Neutralité du net : qu’est ce que c’est et pourquoi sa suppression fait peur

La neutralité du net est en danger. Les États-Unis ont abrogé le principe d'égalité pour tous sur internet, ouvrant la porte à tous les abus. Mais le débat s'est aussi invité en Europe, où les opérateurs demandent sa suppression. Mais la neutralité du net, de quoi s'agit-il exactement ? Pourquoi en entend-on de plus en parler et en quoi cela est-t-il important ? La remise en cause de la neutralité du net met-elle en péril le web que l'on connaît aujourd'hui ? Autant de questions auxquelles nous allons répondre.

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Alors que les opérateurs du monde entier poussent pour mettre fin à la neutralité du net, certains gouvernements semblent répondre à leur appel. Aux États-Unis, le gouvernement Trump a réussit à briser la promesse de Barack Obama et a abrogé le principe de neutralité du net. Des voix commencent aussi à s'élever en Europe, même si pour l'instant ni l'Union Européenne ni le gouvernement français n'envisagent de s'attaquer à elle. Mais les États-Unis franchissant le pas, ils pourraient bien finir par inspirer d'autres pays.

La neutralité du net, c'est quoi ?

La neutralité du net est un principe fondateur d'internet qui empêche les fournisseurs d'accès de pratiquer des discriminations à l'égard de la source, de la destination et du contenu des données qui transitent sur le réseau. Cela permet d'instaurer une certaine égalité entre tous. Les opérateurs n'ont pas le droit de bloquer ou ralentir l'accès à un service, site ou application. Ils ne peuvent pas non plus offrir volontairement plus de bande-passante à un utilisateur pour des usages particuliers en lui demandant de payer plus pour ça. Pour résumer, tous les individus et contenus sont traités de manière égale sans différenciation.

Les dangers de l'abrogation de la neutralité du net

Sans neutralité du net, on peut craindre les dérives des opérateurs, qui auront les mains libres pour imposer de nouveaux modèles. Et quand des sociétés privées dont le but est de faire du profit obtiennent de tels pouvoirs, le consommateur s'en sort rarement indemne. La peur principale des défenseurs de la neutralité du net est l'apparition d'un internet à deux vitesses, avec d'un côté ceux qui ont les moyens de s'offrir un internet efficace et de l'autre les laissés pour compte.

Mignon Clyburn, de la Commission fédérale des communications (FCC) des États-Unis, institution qui a abrogé le principe de neutralité du net, fait partie des deux commissaires qui ont voté contre sa suppression. “Les conséquences de la fin de la neutralité du Net ne se feront pas sentir tout de suite. Mais j’ai peur qu’un jour nous nous réveillions et que, voyant ce qui a changé, il soit trop tard pour faire quoi que ce soit”, a-t-elle déclaré. Selon elle, cette décision va grandement affecté “les consommateurs et les petites entreprises”.

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Sans neutralité du net, les opérateurs ont aussi la possibilité de compartimenter internet à leur guise puisqu'ils ont le droit de différencier les contenus et les acteurs. Conséquence : ils pourraient accorder de la bande-passante à leurs utilisateurs en fonction des services pour lesquels ils veulent souscrire. Fini l'abonnement unique donc, on peut aisément imaginer un monde dans lequel votre FAI vous fait payer 5 euros par mois seulement pour avoir accès à Netflix.

Sans vigilance des autorités, nous nous dirigeons tout droit vers ce nouveau modèle. Tout proche de nous, au Portugal, un opérateur propose des forfaits mobiles basés sur ce principe. Il faut payer un tarif défini pour pouvoir utiliser les applications de streaming vidéo comme Twitch et YouTube, payer un montant supplémentaire pour avoir la possibilité de se connecter aux réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Snapchat et encore ajouter de l'argent pour pouvoir recourir aux applications de messagerie instantanée comme Skype et WhatsApp. Idem pour le streaming musical, le cloud etc. Les sites de presse ou les jeux en ligne ne sont pas épargnés non plus.

Ce genre de pratiques est très critiqué par les géants de la tech eux-mêmes, qui y voient des pratiques anti-concurrentielles. En effet, en faisant payer les sites, applications et contenus tiers et en incluant d'office dans leurs offres leurs propres services, les opérateurs encourageraient les utilisateurs à se détourner des fournisseurs de contenus et à privilégier les FAI. Nombre de ces dernières sont également des fournisseurs de contenus eux-mêmes, comme Orange et son service de VOD ou SFR Presse. Google, Microsoft, Apple et consorts en ont bien conscience et regrettent tous la disparition de la neutralité du net aux États-Unis.

“Nous sommes déçus de la décision d'étriper les protections de la neutralité du net, qui ont conduit à une ère d'innovation, de créativité et d'engagement civique jamais vue. C'est le début d'une plus longue bataille légale. Netflix se tient avec les innovateurs, grands comme petits, pour s'opposer à cette décision malavisée de la FCC”, a déclaré Netflix sur Twitter. “Sans la neutralité du net, nous n'aurons jamais été capables de grandir pour devenir ce que l'on est aujourd'hui. Il y a tout un tas de futures start-ups qui méritent cette chance, a ajouté la société.

La neutralité du net est aussi un enjeu démocratique. Sans elle, ceux qui ont les ressources financières les plus importantes peuvent diffuser plus de contenus et avoir accès à plus de sources. En France, la loi garantit aux citoyens le droit à la liberté d'accéder aux services numériques permettant la “libre communication des pensées et des opinions“. En supprimant l'égalité de traitement à l'accès au web, on s'attaque donc directement à la liberté d'expression et d'information.

Mais alors, pourquoi abroger la neutralité du net ? 

Les opposants à la neutralité du net, comme Orange, avancent plusieurs arguments à sa suppression. Cela aiderait notamment les FAI à assurer les investissements dans les réseaux, qui ne pourraient plus être amortis par de simples abonnements. Le déploiement de fréquences représente un financement très important et les opérateurs ne parviendraient plus à les rentabiliser. Si vous voulez la 5G, il faudra abandonner la neutralité du net, prévenaient d'ailleurs plus grands opérateurs mondiaux en 2016.

Les FAI arguent aussi qu'elles doivent absolument avoir un contrôle de la bande passante et avoir la possibilité de réduire le débit manuellement pour assurer une qualité de service minimale en cas de problème. Selon, cela va devenir une nécessité avec le développement et la popularisation de nouvelles technologies comme les voitures connectées, qui doivent être prioritaires par rapport à un utilisateur qui regarde une vidéo ou joue à un jeu en ligne.

Enfin, la décision des États-unis semble revêtir une décision politique et symbolique. Barack Obama avait promis de protéger la neutralité du net, ce qu'il a fait en 2015. Donald Trump menant une guerre d'ego avec son prédécesseur, le fait de faire remporter une autre victoire des Républicains sur les Démocrates est sûrement et malheureusement une raison principale de l'abrogation de la neutralité du net. Autre raison, le puissant lobbying exercé aux États-Unis, avec au moins 100 millions de dollars dépensés par les lobbys ontre la neutralité du net.

La France et la neutralité du net

En France, la Loi pour une République numérique promulguée le 7 octobre 2016 prévoit la neutralité du net dans ses textes. Des directives européennes protègent également son principe. Bien sûr, des exceptions sont permises et les États travaillent avec les opérateurs pour donner un cadre légal concret à ce principe. En France, la Hadopi peut demander aux opérateurs de restreindre des accès ou pénaliser des clients s'ils téléchargent des contenus illégalement.

Interrogé par Le Monde, Sébastien Soriano, président de l'Arcep, assure que la décision des États-Unis “n’aura pas d’impact direct en Europe. C’est complètement indépendant et étanche. La neutralité du Net est un régime d’obligations qui s’impose aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI), qui sont soumis à une régulation nationale et européenne”.

Il admet cependant que le débat va sûrement être relancé et que ce qu'il se passe aux États-Unis “va alimenter le discours des opérateurs télécoms européens et français en faveur de la suppression de cette législation“. D'ailleurs, plusieurs cas de manquements aux règles de la neutralité du net ont été constatés en France.

En 2013, SFR était accusé de recompresser les images passant son réseau 3G. En 2012, Bouygues Telecom proposait une option payante pour être prioritaire sur la bande passante en cas de congestion du réseau. En 2010, Orange monneyait un accès illimité au service Deezer sur un forfait data de 1Go.


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