Cette vieille console de Nintendo est moche et rectangulaire, mais c’est pour une raison bien précise

Avec sa coque rectangulaire et son look rétro, la NES de Nintendo est un peu la mamie du jeu vidéo. Forte d’une longévité exceptionnelle, elle cristallise les souvenirs de millions de personnes dans le monde. Mais savez-vous d’où elle tire ce design de magnétoscope ? On vous raconte cette histoire !

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Crédits : Unsplash

Avec sa robe blanche et grise, la NES de Nintendo est reconnaissable au premier coup d’œil. Plutôt mastoc et souffrant du syndrome du bouton clignotant (à cause du connecteur qui n’arrivait pas à lire les cartouches), la console a conquis plusieurs générations de joueuses et de joueurs grâce à une ludothèque aussi fournie qu’éclectique.

Nous sommes nombreux à nous souvenir, non sans émotion, de nos premières aventures numériques sur Mario, Kirby, La Bande à Picsou (DuckTales) ou encore Mega Man. Pourtant, comme bon nombre de projets avant elle, la NES aurait pu connaître un destin bien différent. Surtout si nous avions récupéré le modèle japonais…

Performante et pas chère, le leitmotiv de la version japonaise de la NES

De nos jours, les appareils électroniques, dans leur très grande majorité, ont la même forme d’un continent à un autre. On trouverait cela bizarre si le dernier iPhone à la mode ou la PlayStation n’avaient pas le même look, que l’on soit européen, américain ou japonais. Pour des questions de coût et d’homogénéité, les industriels font désormais le même modèle pour tout le monde ! Dans les années 1980, ce n’était pas la norme et il n’était pas rare que les consoles soient disparates d’une zone géographique à une autre, avec très souvent un nom différent. Ainsi, celle que l’on connaît sous l’appellation NES (pour Nintendo Entertainment System) ne porte pas du tout cette forme et cette nomination au Japon. Au Pays du Soleil Levant, la machine est surnommée Famicom, un diminutif provenant de son nom officiel, Family Computer. En somme, l’ordinateur de toute la famille !

Outre ce nom, il suffit de jeter un œil à sa carcasse pour comprendre qu’elle n’a strictement rien à voir avec le modèle occidental. Elle est blanche et rouge, ses manettes (ultra-courtes) sont indétachables du système et elle affiche un design un peu enfantin. Cette console est l’aboutissement d’une demande du président de Nintendo à l’un de ses ingénieurs, Masayuki Uemura. Ce dernier, qui nous a quittés en décembre 2021, était responsable de l’un des laboratoires de recherche et développement de l’entreprise.

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La Famicom japonaise

Un soir de novembre 1981, alors qu’il se posait des questions sur son avenir (la faute à des projets soldés par des échecs), il reçut un appel téléphonique du président de Nintendo, Hiroshi Yamauchi. D’abord interloqué par ce coup de fil tardif, il écouta attentivement la requête de son patron et manqua de tourner de l’œil. « À l’époque, j’étais responsable du second service de Recherche & Développement (R&D 2) dont les effectifs tendaient à diminuer » expliquait-il, lors d’une interview. « J’avais pas mal de temps libre et je pouvais rentrer chez moi assez tôt. Il m’a alors expliqué que le prochain produit qui ferait un tabac serait les jeux vidéo à jouer sur l’écran de télévision du salon et il m’a demandé si mon service pouvait les développer. Il souhaitait que les jeux ne soient plus intégrés (comme dans les jeux électroniques), mais qu’au contraire, la console utilise des cartouches, un système qui gagnait en popularité à l’époque. Il ajouta également qu’il voulait une machine que la concurrence ne pourrait égaler avant trois ans. »

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Masayuki Uemura avec la Famicom

C’est sur la base de cet appel téléphonique que va naître la Famicom. Le défi était de taille, mais il a permis à Masayuki Uemura de redorer le blason de son équipe. Pour répondre aux exigences de son patron, l’ingénieur a néanmoins été obligé de privilégier la puissance et le prix au détriment du look de la console. C’est ce qui explique la couleur bon marché, le plastique un peu cassant et la présence de manettes inamovibles. Eh oui, on ne peut pas tout avoir.

Comment la Famicom japonaise est devenue la NES en occident ?

Au Japon, la Famicom fut un tel carton que Nintendo a rapidement envisagé une sortie à l’international, d’abord aux États-Unis, puis ensuite en Europe. Les premières réflexions autour du modèle occidental eurent lieu entre Nintendo au Japon et sa filiale américaine, Nintendo of America. Indiscutablement, il était impensable, pour les Américains, de sortir une telle machine avec ce nom. Il fallait tout changer !

Dans leur folie des grandeurs, les ingénieurs américains ont alors estimé que la console devait se rapprocher de l’esprit des ordinateurs familiaux qui commençaient à se répandre sur le marché. Ils ont imaginé un prototype appelé AVS (pour Advanced Video System), ressemblant à un magnétophone à cassettes et embarquant un clavier, un joystick et de drôles de contrôleurs. Un objet hybride qui n’a absolument pas convaincu le public lors de sa présentation au grand salon hivernal du CES en 1985. Nintendo se devait de réagir…

Masayuki Uemura a eu vent de l’échec populaire de l’AVS. Sur demande de sa direction, il a réfléchi à un look pouvait convenir à un public occidental. L’ingénieur a alors imaginé une boite rectangulaire dont les cartouches sont protégées par un clapet que l’on peut ouvrir et fermer. Une sorte de magnétoscope très ingénieux… lié à la météo ! Il s’en est expliqué : « Le Japon a un taux d’humidité élevé, il n’y a donc pas beaucoup d’électricité statique. Cependant, si vous allez en Amérique, en particulier dans un endroit comme le Texas, c’est très sec, donc il y a beaucoup d’électricité statique. Nous voulions donc nous assurer que les enfants ne touchent pas les ports de connexion. C’est pour cette raison que la cartouche est devenue plus grande, car c’est ainsi qu’il faut concevoir le produit. »

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La NES occidentale

Vous ne rêvez pas ! Si la NES de Nintendo a cette forme chez nous, c’est avant tout pour une question de sécurité… qui découle, elle-même, de la météo dans certaines contrées occidentales. Masayuki Uemura a dessiné l’aspect de la console et Nintendo of America, via l’équipe du designer américain Lance Barr, a ensuite imaginé un visuel (avec sa diode en façade, sa robe blanche/grise, ses grilles d’aération cosmétiques…), pouvant se fondre dans les foyers. Le nom (Système de divertissement Nintendo en bon français) a ensuite été choisi pour se démarquer de l’émergence des ordinateurs familiaux.

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À l’inverse de la Super Nintendo, l’Europe a récupéré le modèle américain de la console, ce qui explique que nous avons eu, nous aussi, la joie de nous amuser avec la NES et son fameux clapet ! Entre nous et même si elle ne manque pas de charme, nous avons été plutôt chanceux de ne pas récupérer le modèle japonais un peu cheap. Avec son clapet et son design racé, la NES avait bien plus de classe ! Vous ne trouvez pas ?


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