Les développeurs de Silent Hill ne connaissaient rien aux jeux d’horreur, mais ils ont créé une saga qui a fait de l’ombre à Resident Evil. On vous raconte la genèse du premier opus

Silent Hill est une saga majeure du jeu vidéo. Horreur psychologique, personnages torturés, atmosphère étouffante… rarement le genre survival horror nous aura fait vivre des émotions de la sorte. Mais connaissez-vous l’histoire étonnante du premier épisode sorti sur PlayStation ?

Silent Hill

Silent Hill est aujourd’hui une licence adulée par les fans d’horreur, mais connaissez-vous l’histoire de sa création ? Faisons un bond dans le temps pour stationner notre DeLorean en 1996. À l’époque, Capcom bouleverse le petit monde du jeu vidéo avec Resident Evil, un survival-horror aux angles de caméra spectaculaires et aux jumpscares inoubliables. Dans les cours d’école, dans les magazines de jeux vidéo ou près de la machine à café, le sujet revient en boucle. Avec ce titre, l’éditeur japonais vient de frapper un très grand coup et toute la concurrence veut, à son tour, son jeu de flippe.

Chez Konami, le succès des aventures de Claire et Chris Redfield n’a pas échappé à la direction, mais il n’y a pas d’équipe à disposition pour se lancer dans un tel projet. Les employés expérimentés sont déjà au travail sur d’autres productions, si bien que le défi est donné à des jeunes gens qui ont tout à apprendre. Parmi se trouve Keiichiro Toyama, un développeur de vingt-six ans qui a participé à l’adaptation de Snatcher sur Mega CD et à la modélisation des athlètes d’International Track & Field sur PlayStation. Au moment de recevoir la patate chaude, le Japonais est choqué. « Je n’y connaissais rien », avoue-t-il sans détour. « Ils nous ont dit d’essayer de créer un jeu d’horreur, mais je n’y connaissais rien, donc j’ai commencé à m’instruire sur le sujet. » Quitte à s’éparpiller, il se plonge dans des dizaines et dizaines d’œuvres différentes : films, romans, bande-dessinées, livres, etc.

Silent Hill

Pas d'armes, ni de héros

Au sein de son entourage et de ses collègues, plusieurs noms de cinéastes et d’auteurs reviennent inlassablement dans les conversations : Stephen King, Bram Stoker, David Cronenberg, Howard Phillips Lovecraft et David Lynch. À mesure qu’ils découvrent les différentes œuvres, un constat s’impose : le public aime quand l’horreur, qu’elle soit psychologique ou présentée de manière viscérale, s’intègre dans le quotidien de monsieur et madame tout-le-monde. Dans un premier temps, il tente un pari fou en essayant d’acquérir les droits de The Mist de Stephen King, mais se heurte à un refus net et définitif. Il en fait de même avec Le Cauchemar d’Innsmouth de Lovecraft, mais la finalité est la même. Entouré d’une petite équipe, Toyama décide d’aller à l’essentiel : « Le staff était d’accord sur le fait que la solution consistait à créer un environnement qui donne un sentiment de réalité plutôt qu’un environnement de jeu stéréotypé. […] Par conséquent, dans Silent Hill, il n’y a pas d’armes ou de créatures modernes, pas de vaisseaux spatiaux et encore moins de héros. Nous avons plutôt opté pour des rues à l’ancienne, qui créent un sentiment de déjà-vu, des gens (apparemment normaux) et des monstres étranges et laids. »

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La limitation technique au service de la création 

Très attiré par les concepts de David Lynch et les Alejandro Jorodowsky, Keiichiro Toyama va énormément s’imprégner d’un film qui va profondément le marquer : L’Échelle de Jacob. Dans ce long-métrage, on assiste à la descente aux enfers (d’un point de vue psychologique) d’un soldat revenu de la guerre du Viêt Nam. Entre réalité alternative et visions post-traumatiques, le scénario s’entremêle entre le quotidien de l’homme et un gouffre dont il ne s’est jamais échappé. En parallèle, le Japonais puise dans le lore de la série devenue culte, Twin Peaks. On y retrouve ainsi le Doppelgänger, les personnages mystérieux, la martyre, etc. Dans une interview, il indique : « J’ai voulu m’appuyer sur ces concepts en partant de n’importe quelle ville du Midwest américain et en construisant l’image de l’horreur à partir de celle-ci. Sur le chemin du retour du salon E3, nous en avons profité pour visiter Chicago et prendre des photos près du lac Michigan. »

Silent Hill

Dans la veine d’un Resident Evil, Konami mise sur la 3D et décide de créer une ville abandonnée avec ses magasins, ses bâtiments et ses ruelles. Mais très vite, la PlayStation montre des signes de fatigue. Pétris d’ambition, Keiichiro Toyama et ses collègues veulent que le joueur se déplace librement au cœur de cette contrée, mais l’animation a bien du mal à suivre. Ils vont alors avoir une idée géniale : intégrer une brume à la manière de The Mist de Stephen King. En évitant d’afficher des décors qui s’étendent à perte de vue, les développeurs parviennent ainsi à stabiliser l’animation, tout en distillant une atmosphère qui renforce le sentiment de solitude du joueur. Cette brume va devenir un élément absolument indissociable de Silent Hill premier du nom. Keiichiro Toyama va même aller un peu plus loin en « salissant » le grain d’image, donnant au jeu une ambiance unique… tant visuelle que sonore.

Silent Hill

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Mélodies d'outre-tombe

C’est bien connu, une aventure vidéoludique, aussi surprenante soit-elle, a besoin d’une musique qui sorte des sentiers battus. Pour Silent Hill, Konami a pu compter sur le talent d’un compositeur d’exception, qui joue uniquement à l’oreille : Akira Yamaoka. Chargé des effets sonores et de la musique du jeu, il ne le sait pas encore, mais il s’apprête à livrer l’un des chefs d’œuvres de l’histoire du jeu vidéo. Après quelques semaines de tâtonnement (au point où ses premiers travaux sont rejetés par Keiichiro Toyama), il est soudainement pris d’inspiration et signe un thème culte en un temps record. Il explique : « Il m’avait dit que la musique paraissait ‘éteinte’, donc j’ai pensé à explorer des sons qui n’avaient rien à voir avec l’horreur. En trente minutes environ, j’ai composé le morceau de mandoline utilisée dans l’intro de Silent Hill. » Un véritable coup de maître !

Silent Hill

Silent Hill arrive sur PlayStation en février 1999 au Japon. Si le titre n’est pas un ténor sur le plan technique, il va pourtant marquer les esprits avec son art de la suggestion et son ambiance terrifiante. Que l’on ne se méprenne pas, tout le monde n’a pas accueilli positivement le jeu, mais le temps lui a finalement conféré un statut de jeu culte. Une légende largement méritée. Après Silent Hill, Konami a dégainé une suite sur PlayStation 2 qui s’est révélée encore plus époustouflante. C’est cette œuvre qui s’apprête à envahir les étals des magasins (et des stores numériques) sous la forme d’un remake qui fera date. La saga a beau fêté ses vingt-cinq ans cette année, elle est plus que jamais dans l’air du temps.

Notre test de Silent Hill 2 Remake 


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