Opinion : en 2016, tous les smartphones sont ennuyeux à mourir
L'essentiel des smartphones qui inonderont le marché sur l'année 2016 entière a été dévoilé, et un constant frappe instantanément : ils se ressemblent presque tous, de quoi avoir du mal non seulement à choisir son téléphone mais aussi à être excité par ceux-ci.
Après que le PC ait commencé à subir un ralentissement conséquent, non seulement économique mais aussi technologique, les smartphones ont pris leur place en tant que périphériques les plus innovants du marché de la high-tech.
Aujourd'hui, tout le monde a un smartphone. Pas nécessairement performant, pas nécessairement tout neuf ni de dernière technologie, mais ils ont a minima intégré votre vie et ceux de vos parents à tel point qu'ils peuvent maintenant être considérés comme objets de base d'un rythme de vie normal.
Ce qui ne les empêche pas de chercher à être renouvelés tous les ans. Les constructeurs enchaînent les nouveaux modèles les uns après les autres, mais rien n'y fait : le marché des smartphones a une croissance si basse qu'on peut considérer qu'il stagne. La cause : tous les modèles se ressemblent désormais.
La fiche technique se répète encore et encore
En 2016, c'est bien simple : tous les smartphones ont la même fiche technique. Je peux vous prédire que le prochain smartphone haut de gamme annoncé aura un Qualcomm Snapdragon 820, 4go de RAM et un écran de 5 pouces Quad HD.
Le plus fou aura 6go de RAM, qui ne seront qu'un argument marketing tant ils ne se ressentiront pas à l'utilisation, et la sécurité sera assurée par un scanner d'empreinte digitale. L'appareil photo ne bougera presque pas, il sera seulement plus rapide ou un peu plus performant (sans plus) en basse luminosité.
Et… voilà. Problème est que sur l'industrie, un fondeur a désormais un énorme avantage : Qualcomm, qui malgré l'erreur du Snapdragon 810 n'est pas descendu de son piédestal, fournit la majorité des smartphones. Les Exynos de Samsung ne sont que des modèles équivalents chargés de voler quelques sous à celui-ci.
Et MediaTek, le grand challenger, ne s'occupe que du bas de gamme et pousse quelques accords passés avec les constructeurs. A la manière d'Intel et AMD sur le PC, rien ne bouleverse vraiment l'augmentation incrémentale de la puissance et la baisse des prix sur le bas de gamme. On s'ennuie à mourir.
Les constructeurs sont frileux
Les ventes de smartphones n'augmentent pas, elles stagnent. Les consommateurs ont bien compris qu'il ne servait plus à rien de renouveler tous les ans leurs appareils, les modifications n'étant plus à la hauteur, et qu'il valait mieux attendre la prochaine révolution véritable.
A cela, les constructeurs réagissent tous de la même manière. A l'égal du cinéma ou du jeu vidéo, ils privilégient la sûreté avant l'innovation. Ainsi, nous voyons tous les téléphones prendre l'un après l'autre un corps métallique, plus ou moins arrondi, et garder le même form factor en changeant à peine ce que les uns et les autres ont utilisé des années durant.
Regardez donc le OnePlus 3 fraîchement annoncé : même si son tarif à 399€ en fait une offre vraiment alléchante, je ne peux m'empêcher de bâiller en voyant ce que j'aurais très bien pu prendre pour un HTC si le logo collé à l'arrière n'était pas celui de 1+. Pareil pour l'iPhone, pareil pour les Huawei, tous se repompent leurs design jusqu'à devenir une masse informe.
Le modulaire, cette fausse bonne idée
On pourrait faire effectivement cas cette année d'une tendance émergente sur le marché : le modulaire. Le LG G5 s'est en effet présenté avec la nouvelle idée du siècle, celle de rendre le téléphone modifiable en passant par des accessoires à intégrer directement dans son téléphone.
A cela, Motorola a récemment répondu avec le Moto Z qui permet lui d'aimanter directement le même type d'accessoire au dos de son téléphone, qui est devenu bien fin pour l'occasion histoire de ne pas tuer le design complet de leur appareil.
Pour ces 2 appareils, c'est une fausse bonne idée. Pour le LG G5, cela passe par le fait de devoir éteindre complètement son téléphone à chaque fois que l'on souhaite changer de module. Pour le Moto Z, c'est tout simplement une version de base avec une batterie à peine suffisante pour tenir la journée et une finesse qui n'est pas bienvenue dans ce secteur.
La conquête des constructeurs chinois
Pour tous ces points, le marché en lui-même n'est plus aussi séduisant. Là où l'on pouvait encore admirer les nouveaux appareils chaque année, force est de constater qu'ils ont perdu en grade lorsque les constructeurs chinois sont arrivés sur le marché.
Comment arriver à justifier de dépenser 749€ pour le HTC 10 ou 699€ pour un S7 quand le OnePlus 3 n'est qu'à 399€ avec sensiblement la même fiche technique ? La plupart des consommateurs ne le peuvent plus, et ont ainsi commencé à se tourner vers les appareils de Huawei, Meizu et j'en passe.
Ils ont bien raison, puisque ceux-ci apportent exactement la puissance dont on a besoin pour profiter d'un smartphone fluide en 2016. Pas de chichi, pas de fonctionnalités dont on ne se servira jamais, simplement un design efficace, une fiche technique solide, et roulez jeunesse. Les constructeurs chinois ont tout compris des attentes du marché actuel.
iOS VS Android ? Plutôt AndriOSd
Même au niveau des systèmes d'exploitation, rien ne vient vraiment bouleverser le quotidien. Windows Phone est désormais mort et enterré par Microsoft, et le couple Apple / Google reste donc le visage proéminent de l'industrie.
A ceci près qu'ils n'apportent plus grand-chose de neuf. La refonte Material Design lancée par Android N aura fini de remettre l'OS à niveau de celui d'Apple, avec un design enfin travaillé et plaisant pour l'utilisateur final.
Les nouveautés d'iOS 10, présentées lors de la WWDC 2016, sont toutes des copies de ce qui existait déjà sur son rival depuis des années. Toutes les nouveautés présentées par Google lors de l'I/O 2016 n'étaient que des mises à niveau de ce sur quoi ses concurrents avaient une longueur d'avance.
Et dans l'ensemble, les deux systèmes sont désormais si semblables que l'on se demande s'ils ne vont pas finir par les fusionner. Sérieusement : à part le lanceur d'application, qui est aussi en voie de disparition ironiquement, que reste-t-il de véritablement différent entre les deux. Le look ?
Une évolution cachée
En vérité, tout ce cynisme s'explique par un point extrêmement positif : les smartphones ont plus ou moins atteint leurs formes finales dans l'état actuel des choses. Si les appareils se ressemblent, c'est parce que des années de recherche ont abouti à une forme et un placement parfait pour l'ergonomie et la prise en main.
Si la puissance est bridée, c'est tout simplement parce que l'autonomie freine nos appareils. Nous sommes en cruel manque d'une nouvelle technologie de batterie, qui ne devrait pas apparaître avant quelques années encore et nous permettrait de pousser nos smartphones beaucoup plus loin.
Et si les systèmes sont équivalents, c'est parce qu'ils ont chacun innové de leurs côtés et se sont poussés les uns les autres à la grandeur jusqu'à atteindre le firmament. Nos OS ne manquent pas d'innovation : ils sont en vérité complets, et ne demandent finalement plus que quelques optimisations çà et là pour atteindre la perfection.
Nos téléphones sont puissants, beaux, font appel à des matériaux nobles et peuvent désormais faire l'intégralité des tâches qu'on leur demande. Même les jeux vidéo deviennent de plus en plus prenants et recherchés, et vont bénéficier d'améliorations logicielles fortes comme l'API Vulkan pour continuer sur leur lancée.
L'avenir est dans le périphérique
Ils se suffisent tout simplement à eux-mêmes, et n'ont pas besoin de beaucoup plus pour atteindre la perfection. A l'image du PC avant eux donc, leur intérêt se relancera avec les périphériques. C'est pourquoi les téléphones modulaires sont finalement les évolutions les plus excitantes de ce marché.
Ils sont après tout exactement ce que l'on veut d'un périphérique : qu'il se connecte facilement, qu'il ne soit pas difficile à utiliser et qu'il se retire tout aussi facilement. L'intégrer à un smartphone, c'est être certain de ne pas en rendre l'utilisation poussive mais au contraire claire et limpide pour les consommateurs.
Les premiers essais font quelque faux pas, certes. Le LG G5 et le Moto Z ont tous deux leurs défauts : pour le premier, le fait de devoir éteindre son téléphone est un énorme frein. Pour le deuxième, c'est au sacrifice de son design qu'il incorpore de nouveaux éléments.
Mais force est de constater que nos smartphones sont assez puissants pour remplacer de nombreux objets de notre vie quotidienne. Imaginez une coque dans laquelle insérer votre smartphone, qui le transformerait immédiatement en PC fixe ou portable ? C'est tout à fait possible, et ce vers quoi tous les appareils convergeront un jour ou l'autre.
La réalité virtuelle arrive
Nous pouvons déjà voir les premiers signes de cette convergence dans le marché de la réalité virtuelle, qui débarque en force sur nos smartphones cette année. Et pour cause : il s'agit, contrairement à l'Oculus Rift ou à l'HTC Vive, des appareils ayant le plus de potentiel à rendre la technologie incontournable.
Nous avons déjà le Samsung Gear sur le marché, qui a dépassé le million de ventes cette année. Mais LG a lui-même présenté son casque 360 VR et 1+ a poussé son propre casque cardboard pour sa présentation. C'est bien simple : tout le monde se rue dessus.
C'est naturel : la technologie est sûre de faire un carton (cardboard, carton… je sors), touchant de nombreux secteurs comme les jeux vidéo en mobilité et la photographie avec la vision à 360°. Et pour la viabilité de la réalité virtuelle, quoi de mieux qu'un smartphone pouvant l'exécuter sans devoir être rattaché en filaire à un second appareil ?
Google l'a bien compris, et va lui aussi pousser la plateforme avec Daydream. 2016 n'en sera que la naissance, mais les smartphones de 2017 sont tous sûrs d'avoir la réalité virtuelle intégrée à leurs spécifications techniques et leurs systèmes d'exploitation.
Le marché des smartphones n'est pas ennuyeux : il est en attente d'une révolution de périphérique se préparant silencieusement, alors que l'objet lui-même est devenu proche de la perfection. En cela, nous nous apprêtons seulement à en vivre les plus belles années.