Android P : pourquoi les mises à jour majeures n’intéressent plus personne
Android P est officiel au moins en version bêta mais on s'attend – calendrier oblige – très prochainement à ce que de nouveaux smartphones sortent avec le nouveau système d'exploitation. Alors que par le passé Google parvenait à maintenir un fort intérêt du public autour des nouvelles version de l'OS mobile, depuis Nougat (7.0) et sans doute surtout Oreo (8.0), une lassitude du public s'installe. Mais quelles en sont les raisons ?
Si vous nous lisez, peut-être que vous attendiez avec impatience la sortie d'Android P et de découvrir ses nouveautés. Au menu on trouve le support de l'encoche adoptée par de (trop ?) nombreux constructeurs Android, un peu de couleur dans les menus, quelques améliorations ergonomiques ci-et-là, des notifications revues et corrigées, de nombreuses petites fonctionnalités et des améliorations côté sécurité. On est quelques mois après la sortie officielle d'Android Oreo qui peine encore à s'imposer, et pourtant Google sort une nouvelle version majeure qui est très loin de susciter des scènes de liesse et d'hystérie (et quand on vous dit “très loin”, ça se calcule en parsec…).
Android P n'apporte pas énormément de nouveautés
Le premier argument, sans doute le plus évident, c'est que les nouveautés apportées par Android Oreo, puis Android P sur les versions antérieures ne font pas rêver. Google semble suivre la tendance du marché et adapter continuellement sa copie sans forcément chercher à mener la danse. L'innovation qui semblait la marque de fabrique d'Android n'est plus ce qu'elle était. Il faut dire qu'en face, Apple innove relativement peu aussi, mais est-ce vraiment une excuse ?
Google est aujourd'hui dans une situation de monopole avec Android sur tout un écosystème (iOS n'est pas vraiment un concurrent puisqu'il n'est disponible que sur les iPhone). Certaines des nouvelles fonctionnalités les plus intéressantes sont réservées aux Pixel qui ne sont même pas en vente en France ! Pour le reste, on a droit à des petites retouches par-ci, une amélioration par là, mais rien qui pourrait changer via une mise à jour la façon dont vous utilisez votre investissement, c'est à dire votre smartphone. C'était pourtant la promesse de départ.
Certaines nouveautés majeures introduites avec des versions antérieures restent inutilisables
Mais ce n'est pas la seule déception : Google Pay, par exemple, (ex Android Pay) était la promesse d'un smartphone qui pourrait faire office de carte bancaire sans contact. C'est raté : le service a été lancé en 2015, sur la base de Google Wallet lancé en 2011. On est en 2018, et Google Pay sera peut-être disponible fin avril en France. Trois ans d'attente pour une fonctionnalité qui faisait déjà partie d'une mise à jour, c'est long. Très long même !
Surtout quand en face, chez Apple, le service est disponible pour les particuliers hors des Etats-Unis (tout du moins en France) depuis plusieurs années. Parfois aussi Google réserve des fonctionnalités pour ses smartphones Pixel, et les propose à la concurrence un an plus tard. C'est par exemple ce qui s'est passé avec Google Lens sur Google Photos. Bien qu'évidemment on parle ici moins d'une mise à jour d'Android que d'une fonctionnalité de la suite Google Mobile Services. Mais cela montre aussi que paradoxalement certaines nouveautés majeures n'impliquent pas forcément de mises à jour majeure d'Android.
Android P : les constructeurs ne suivent plus le rythme, Oreo est à peine à 4%
Le problème est aggravé par le manque de réactivité des constructeurs qui ne peuvent pas suivre le rythme. Les nouveaux smartphones tentent d'adopter la version d'Android la plus récente, mais les mises à jour pour les modèles antérieurs peinent à arriver, lorsqu'elles arrivent. Car tous n'offrent pas la même durée de support des mises à jour. Chez Google, les Pixel ont ainsi des mises à jour garanties pendant 3 ans minimum. Chez Samsung, LG, OnePlus, HTC, Motorola et Sony c'est plutôt deux ans. En fonction des modèles de smartphones on peut ou non avoir accès à la mise à jour.
Et il faut souvent s'armer de beaucoup de patience, avec souvent des mises à jour majeures qui arrivent a minima un an après la sortie de la mise à jour. Souvent les smartphones peuvent en être tout bonnement exclus. En général, les smartphones haut de gamme ont droit à deux mises à jour majeures. Pour le reste, tout dépend toujours du bon vouloir des constructeurs. Les iPhone et iPad, eux, bénéficient tous de 5 ans de support, et donc de toutes les mises à jour faites dans l'intervalle. Dommage que même Google ne puisse en dire autant.
Résultat : l'adoption des mises à jour est d'une lenteur assommante. Sortir une mise à jour majeure alors que la précédente n'est adoptée que sur 4% du parc des smartphones Android et que donc les constructeurs ne suivent pas, paraît dénué de sens.
Trop de bugs et failles de sécurité
On peut même aller plus loin : c'est un gaspillage de ressources, alors que Google pourrait davantage se concentrer à améliorer chaque version. Chaque nouvelle sortie apporte son lot de bugs et failles de sécurité. Un problème s'ajoute : comme nous le disions, les constructeurs peinent à suivre le rythme des mises à jour majeures, mais manquent aussi de réactivité côté mises à jour de sécurité. Du coup de nombreux smartphones se retrouvent pendant trop longtemps vulnérables avec des failles de sécurité qui ont le temps d'être bien documentées. Un paradis pour les hackers ! Or les nouveautés, même minimes sont un terrain propice à ce genre de failles.
Du coup, on le voit bien : la réponse à la question de cette tribune peut sembler évidente, mais ce qui l'est moins c'est de comprendre pourquoi Google enchaîne ainsi les versions majeures d'Android. Ne serait-il pas mieux de les espacer davantage, au moins de deux ans, et de proposer alors des nouvelles versions avec de vraies nouveautés ? Voire même d'attendre carrément que la sortie d'une nouvelle version se justifie par une adoption raisonnable de la version précédente ? Si ces nouvelles versions d'Android sont si importantes, pourquoi ne pas se concentrer à favoriser leur adoption plutôt que de passer directement à la suivante ?
Le problème est d'autant plus incompréhensible que ce qui touche à la réputation d'Android touche à tout un écosystème composé de nombreux constructeurs – en bref, à tout un pan de l'économie mondiale. Et que Google ne sait même pas encore vendre ses Pixel 2 dans le monde, notamment en France ! Google a sans doute besoin de véritables concurrents dans les OS mobile pour se réveiller, mais où sont-ils ?