Apple, Intel, Epson : après les scandales d’obsolescence programmée nous voulons des explications !
EDITO. Entre décembre et janvier 2018 le petit monde de la tech a été marqué par trois scandales successifs d’obsolescence programmée. C’est d’abord Epson qui a été pointé du doigt pour ses imprimantes, puis Apple avec ses iPhone ralentis et enfin Intel. Trois géants épinglés, mais probablement pas les seuls à avoir ce genre de pratique. Ne serait-il pas temps de demander des explications ?
En l’espace de quelques dizaines d’années, la technologie a profondément changé notre monde. Internet, puis le premier iPhone ont accéléré les choses. L’arrivée de l’internet des objets, le développement de la domotique ou encore de la voiture connectée vont donner un nouvel élan. Mais dans le même temps, la durée de vie de nos produits est de plus en plus courte, et leur prix ne cesse d’augmenter. L’obsolescence programmée n’a jamais été autant au coeur de l’actualité. Chers constructeurs, il est temps de vous expliquer.
Une course frénétique
Le CES 2018 en témoigne : les géants de la tech vont toujours plus loin, toujours plus vite, souvent en dépit du bon sens. Au salon de Las Vegas, on trouve des TV 8K, Samsung a présenté un écran microLED, un prototype de smartphone flexible, des constructeurs ont dévoilé des voitures volantes etc. Une démesure difficile à comprendre tant les innovations présentées sont loin des préoccupations des consommateurs. La plupart des gens n’ont pas encore de TV 4K, un smartphone flexible coûtera certainement une petite fortune, et les voitures volantes riment avec “Retour vers le Futur”.
Cette surenchère a de plus en plus de mal à être comprise par le grand public. Le rythme effreiné des nouveautés et leurs prix indécents rendent les produits inaccessibles pour la majorité des consommateurs. Symbole de cette frénésie : le smartphone. En 2017, Apple et Samsung ont lancé les Galaxy Note 8 et iPhone X, tous deux vendus à des prix supérieures à 1000 euros. Un seuil symbolique qui a du mal à passer. Car finalement, rien ne justifie une si forte hausse des produits high-tech. D’autres marques le montrent : OnePlus ou Honor lancent des smartphones qui répondent aux mêmes besoins qu’un iPhone X pour un prix deux fois moins élevé. Sans fioritures, mais avec l'essentiel, ces marques montrent qu'elles ont compris les besoins des consommateurs.
Des produits vite obsolètes
Dans le même temps, la fin d’année 2017 a été marquée par trois scandales d’obsolescence programmée et de tromperie. L’association HOP (Halte à l’obsolescence programmée) attribue à Epson “un ensemble de techniques qui contribuent à écourter la durée de vie des produits” en écourtant notamment la durée de vie des tampons d’impression. Cette même association a attaqué Apple suite au scandale mondial des iPhone ralentis. La firme de Cupertino a reconnu qu’elle bridait les performances des anciens modèles de son smartphone pour favoriser l’autonomie (dit-elle). De la même manière, la correction d’une faille matérielle dans les processeurs Intel conduit au ralentissement des ordinateurs fabriqués avant 2016.
Si l’on résume la situation, un consommateur ayant acheté un iPhone, un PC avec processeur Intel et une imprimante Epson fin 2015, se retrouve avec du matériel obsolète début 2018, soit deux ans plus tard. Bien évidemment, en deux ans, les prix ont grimpé sans pourtant voir de grandes innovations naître. Prenons pour exemple les ordinateurs. Fin 2013, je m’équipais d’un Macbook Pro. Facture : 1500 euros. 2018 : si je dois acheter le nouveau Macbook Pro avec une configuration équivalente, il m’en coûtera 3000 euros ! En 5 ans, le prix a doublé ! Pourtant, rien ne justifie en termes d’innovation une telle flambée.
Le même constat peut être fait sur le marché des smartphones. Aujourd’hui un iPhone X coûte au minimum 1159 euros. Pourtant, lors de la prochaine mise à jour en septembre 2018 ses performances seront revues à la baisse. Un produit à 1159 euros ! Ralenti après un an ! Et on ne parle pas de l'impact écologique et humain.
Tous des moutons ?
Malgré cette frénésie devenue complètement incontrôlable, les géants du secteur continuent d’afficher des records de ventes. Le consommateur est-il un mouton ? Difficile à dire. Il est évident que suivre le rythme des marques en se laissant berner par des discours marketing rodés peut donner cette impression. Mais ne sommes-nous pas pris au piège ? Les récents scandales d’obsolescence programmée le démontrent en partie. Comment faire autrement que de renouveler son équipement si celui que nous avons est devenu obsolète ?
Finalement, les constructeurs ont trouvé la formule magique. Nous disons bien “les constructeurs” car ceux épinglés fin 2017 ne sont certainement pas les seuls. Soyons patients. D’un côté ils nous proposent des produits qui ne répondent plus à nos besoins après deux ans d’utilisation. De l’autre ils augmentent ostensiblement les prix de leurs nouveaux modèles. Sommes-nous pris dans un étau ? Pas vraiment non plus.
Car plusieurs possibilités s’offrent à nous. La première est de prendre conscience que même avec des performances qui ne sont pas optimales après deux ans, cela ne veut pas dire que le produit est inutilisable (sauf en ce qui concerne les imprimantes). Mais les PC équipés de processeurs Intel ou les iPhone vieux de deux ans répondent encore à la majorité des besoins des utilisateurs. Ce qui choque, c’est que nous les avons payés très chers.
Ce qui nous amène à une autre possibilité : opter pour des alternatives moins onéreuses. Le principe est de se dire : “de toute façon dans deux ans mon smartphone sera obsolète, alors pourquoi investir plus de 1000 euros si un modèle deux ou trois fois moins cher répond à mes besoins ?”. La montée en puissance de certaines marques fait ouvrir les yeux à de nombreux consommateurs. “Toutes ces années nous avons donc été dupés”.
L’heure de rendre des comptes
Jusqu’à maintenant, les géants de la tech ont pu mener leur barque en toute impunité. Mais les scandales successifs les obligent à se montrer plus transparents. D’ailleurs, les associations de consommateurs s’en sont mêlés et ont déposé de multiples plaintes. En France, la justice est passée à l’action. Deux enquêtes sont ouvertes : la première au sujet des pratiques d’Epson, la seconde sur celles d’Apple. Les deux firmes sont poursuivies pour “obsolescence programmée” et “tromperie”. Mais la fourchette de sanctions est tellement large qu’il est difficile de dire si les marques doivent prendre ces accusations au sérieux.
Apple par exemple risque deux ans de prison et 300 000 euros d’amendes pour obsolescence programmée. Peu inquiétant. Toutefois, le texte législatif précise que si “les avantages tirés du manquement” dépassent ces 300 000 euros le coupable peut se voir exiger un versement pouvant atteindre 5% de son chiffre d’affaires. Les sommes peuvent donc être beaucoup plus importantes. Apple risque-t-il vraiment quelque chose ?
Mais est-ce bien là l’essentiel ? Finalement les consommateurs se fichent bien de savoir qu’Apple a payé 300 000 ou 3 millions d’euros. Ce que nous souhaitons c’est avoir des explications. C’est que ces géants reconnaissent leur démarche. Comme l’a fait l’entreprise Volkswagen lorsqu’elle s’est retrouvée dos au mur avec le Dieselgate. Qu’ils reconnaissent qu’ils ont mis en place un système qui nous prend en étau, et non pas qu’ils revolutionnent le monde.