Copie privée : la guerre entre reconditionneurs et ayants droit est déclarée, personne ne veut payer la taxe
La redevance à la copie privée continue de faire débat. Un litige oppose actuellement trois revendeurs de smartphones reconditionnés et Copie France, qui demande à ces derniers, qui leur réclament un versement rétroactif sur les ventes effectuées avant l’application du décret sur ces appareils. Et chacun d’y aller de sa propre faille juridique pour défendre son dossier, dans un texte qui gagne en confusion avec le temps.
Vous ne comprenez toujours rien à la redevance à la copie privée sur les smartphones reconditionnés ? C’est bien normal, et c’est ce qui permet aujourd’hui à des litiges de s’étaler en longueur tant le texte de loi est flou et confus. Petit rappel des faits donc avant d’entrer dans le vif du sujet. La taxe sur la copie privée existe depuis 1985 et vise à rembourser les ayants droit sur toutes les copies des œuvres en leur possession sur des appareils de stockage. En 2021, un autre appareil a fait son entrée dans la liste : les smartphones reconditionnés.
Avant cette date, la taxe était déjà appliquée sur les smartphones neufs, mais pas sur leurs cousins reconditionnés. Depuis, elle est équivalente à 8,40 €. Seulement voilà, cette nouveauté n’est pas au goût de tout le monde et surtout pas des reconditionneurs. Trois d’entre eux, Handydortmund, Wefix et SOFI Groupe refusent encore de payer quoi que ce soit à l’heure actuelle. Copie France, l’organisme en charge de cette taxe, a donc attaqué ces trois entreprises en justice.
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La redevance sur la copie privée est toujours un véritable casse-tête
Plutôt que de régler le litige, cette action en justice n’a fait qu’envenimer les choses. En effet, en plus des paiements dus depuis 2021, Copie France réclame désormais aux trois reconditionneurs le versement rétroactif de la taxe sur toutes les ventes de smartphones antérieures à l’application du décret. On parle ici d’une amende s’élevant à 600 000 euros pour Handydortmund, 1,7 million d’euros pour SOFI Groupe et jusqu’à 2,9 millions d’euros pour Wefix.
Une somme que les intéressés refusent, sans surprise, de payer. Pour ces derniers, il s’agit d’un véritable retournement de veste de la part de Copie France, qui avait pourtant promis en 2021 que le paiement de la taxe ne serait pas rétroactif. Ils remettent d’ailleurs en cause le principe même de la taxe, arguant qu’un appareil reconditionné est exactement le même que neuf, si ce n’est un léger nettoyage, et qu’il n’est donc pas justifié de le taxer deux fois.
En face, Copie France argue qu’il revenait aux reconditionneurs d’anticiper ce décret, en mettant de côté la somme qui leur est aujourd’hui réclamée. Quand bien même, ceux-ci ne veulent toujours pas payer, même pour les smartphones revendus après 2021. Pour cela, ils s’appuient sur le texte lui-même, qui incombent aux « fabricants » de payer cette taxe. Aux fabricants, et non aux revendeurs. Se pose alors la question du stade à partir duquel on peut être considéré comme un fabricant. Est-on un constructeur dès lors qu’on remplace une batterie ou un écran sur un appareil existant ?
Pour les ayants droit, la réponse est oui, citant à la fois le ministère de la Culture et le droit européen, qui n’apporte pas de précision sur cette affaire de reconditionné en ce qui concerne la copie privée. Dernier argument en faveur des revendeurs : selon le Code de la propriété intellectuelle, la taxe ne serait effective que sur les appareils mis en circulation… et non pas remis en circulation. Bref, le texte manque de clarté et c’est bien là-dessus que les deux parties vont s’opposer.
Pour combien de temps ? La question se pose, au vu de l’avenir tout aussi trouble de la taxe elle-même. Fin 2022, on parlait déjà d’annuler complètement le texte concernant les appareils reconditionnés. S’il n’en est rien aujourd’hui, nous apprenions fin 2023 qu’un nouveau projet de loi pourrait bien venir (une nouvelle fois) tout chambouler dans le milieu de la copie privée. Affaire à suivre, donc.
Source : L’Informé