Fibre optique pour tous : mission impossible, 700 000 logements ne seront pas raccordés avant 2025
Alors que la plan Très Haut Débit du gouvernement français prévoit la fibre pour tous en 2025, cette mesure prend des allures de mission impossible au fil des années. La faute à de nombreux ratés sur le terrain, comme des réseaux sous-dimensionnés, des installations bâclées et des milliers de logements où le raccord n'est pas faisable.
Cela fait partie des promesses phares du gouvernement Macron. Lors de l'université d'été du Plan Très Haut Débit, Cédric O, l'ancien secrétaire d'Etat chargé du Numérique, s'est engagé : 100% des foyers français seront équipés de la fibre optique d'ici 2025.
D'un point de vue macro, le déploiement se déroule comme un charme. La France profite d'une avance considérable sur ses voisins européens, l'Allemagne et le Royaume-Uni en tête, avec 30 millions de locaux raccordés et pas moins de 14,5 millions d'abonnés, la majorité chez Orange.
Un déploiement réussi… sur le papier
Seulement, la réalité sur le terrain est bien différente comme l'expliquent nos confrères du Figaro. La faute à de nombreux ratés, à commencer par des maisons/immeubles tout simplement oubliés dans le processus, des installations bâclées et des réseaux saturés incapables de prendre en charge des raccordements supplémentaires.
“J'ai déboursé 2000 euros pour que la fibre parcourt les dernières mètres de trottoir entre l'armoire de rue et ma maison de l'île de Ré. Sinon, je serais encore en train d'attendre”, raconte un utilisateur dans les colonnes du quotidien. Les anecdotes concernant des raccordements effectués à la va-vite, des câbles suspendus sans aucune protection, et des installations partielles laissant sur le bas-côté des maisons ou des immeubles sont légion.
Les chiffres ne mentent pas d'ailleurs. En 2021, l'Arcep a enregistré 5500 litiges liés à la fibre optique, un chiffre en hausse constante et qui dépasse maintenant le nombre de litiges relatifs à l'ADSL. D'après Phillipe Le Grand, président d'Infranum, une fédération d'entreprises, entre 15 à 20% des raccordements à la fibre se soldent par un échec.
Plus de 600 000 logements ne pourront pas avoir la fibre
Comme dit plus haut, les problèmes sont variés, et pour des centaines de milliers de logements, des opérations de génie civil sont nécessaires pour aboutir à un raccordement. Le département investissements transition numérique de la Caisse des dépôts estime qu'entre 500 000 et 700 000 logements en France sont dans cette situation. “Le coût global des travaux nécessaires pour les raccorder pourrait atteindre 3 à 4 milliards d'euros”, explique Antoine Darodes, directeur du département investissements.
Et contrairement à ce que l'on peut penser, il ne s'agit pas uniquement de maisons isolées dans la campagne ou en montagne. Pour ces cas extrêmes, c'est peine perdue et il faudra opter pour d'autres solutions comme Starlink ou d'autres alternatives d'internet par satellites. Non, on parle bien d'immeubles et de maisons situés dans des zones urbaines très ou moyennement peuplées.
Très souvent, le problème vient des réseaux sous-dimensionnés incapables de desservir des logements supplémentaires. Par exemple, il n'est pas rare que des résidences neuves en Ile-de-France soient privées de la fibre, faute de capacités disponibles. Cette situation a pour conséquence l'un des pires cauchemars des abonnés : le débranchement sauvage de leur ligne au profit d'un nouveau client. “A chaque fois qu'un de mes voisins me dit qu'il souscrit à la fibre, je tremble”, confie un utilisateur au Figaro.
La multiplication des acteurs provoque le chaos
Sans surprise, ce chaos généralisé est le fruit de plusieurs décisions politiques liées à l'attribution des tâches. Dans les métropoles, les quatre principaux opérateurs installent leur fibre, mais c'est Orange qui s'occupe de desservir les étages des immeubles, tandis que les autres se relient au réseau. Dans les zones moyennement peuplées, Orange et SFR partagent la charge de travail, à 80/20.
Les contrats signés avec les autorités françaises les obligent d'ailleurs à couvrir 100% de ces zones, tandis que Bouygues Telecom et SFR se contentent de louer des lignes. En zone rurale, c'est déjà plus compliqué. Les opérateurs n'ont pas la main mise. Cette tâche revient aux collectivités locales, qui doivent mandater des opérateurs d'infrastructures comme Axione ou Altitude pour réaliser les travaux nécessaires.
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Seulement et pour faire face à la demande toujours plus grande, ces sociétés sous-traitent les installations et les branchements… Et ces sous-traitants sous-traitent à leur tour, qui sous-traitent à leur tour, et ainsi de suite. De fait, le nombre d'acteurs se multiplie à vitesse grand V, à tel point qu'il est parfois impossible de savoir qui blâmer lorsque les soucis pointent le bout de leur nez.
En novembre 2021, l'Arcep a exigé qu'Orange, Free, SFR et Bouygues améliorent le déploiement de la fibre optique, en contrôlant davantage les interventions des techniciens et en mettant l'accent sur leur formation. Le but étant que les installations soient mieux réalisées. Par ailleurs, le régulateur a exigé que “les infrastructures les plus dégradées” soient remises en état le plus rapidement possible. Des mesures salvatrices, sur le papier en tout cas. Comme l'a avoué un membre de l'Arcep au Figaro, “nous n'avons aucun moyen de vérifier que ces engagements sont tenus”.
Source : Le Figaro