iPhone, Apple Watch : savez-vous vraiment comment ces produits sont reconditionnés ?
Les produits Apple sont ceux qui se vendent le mieux en reconditionné. Mais la qualité des produits remis à neuf n’est pas toujours à la hauteur des attentes. Défauts de montage. Pièces manquantes. Qualité des composants. Les réseaux sociaux ne manquent pas de témoignages de clients déçus. Phonandroid vous explique pourquoi.
Vous avez certainement vu de grandes affiches en ville ou dans les transports en commun vantant les mérites des produits reconditionnés. Back Market est certainement le site de vente de produits reconditionnés le plus connu aujourd’hui en France. Mais il y en a beaucoup d’autres : des spécialistes, comme Recommerce ou encore Next Mobiles, ou des généralistes tels que Boulanger, Darty / Fnac, ou Amazon. De plus en plus de consommateurs achètent des produits reconditionnés, parce qu’ils sont moins chers et parce que cela participe à réduire les déchets électroniques.
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Les produits reconditionnés les plus vendus sont ceux produits par Apple. Quel que soit le segment de marché où la marque est présente. Ultraportable. Montre connectée. Tablette. Et bien sûr smartphone. Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, la marque Apple reste celle qui attire le plus, devant Samsung. Et cela se reflète sur les modèles plus vendus en occasion et en reconditionné. Ensuite, Apple est l’une des marques qui offre le support technique le plus long. Chaque iPhone est mis à jour pendant 6 ans minimum. Si vous achetez aujourd’hui un iPhone 12, vous pouvez compter sur 4 ans de mise à jour, minimum.
La qualité des produits Apple reconditionnés varie fortement
Si les produits Apple se vendent plutôt bien en reconditionné, certains clients rencontrent tout de même quelques mésaventures, à l’image de notre confrère Geoffroy Ondet, journaliste chez 01Net. Ce dernier a acheté sur la marketplace de Boulanger en août 2023 une Apple Watch Séries 5 reconditionnée par un prestataire appelé Upcycles. Après quelques mois seulement d’utilisation, la montre devient inutilisable.
En effet, l’écran se fissure graduellement jusqu’à s’ouvrir complètement et laisser apparaitre la carte-mère de l’Apple Watch. Là, notre confrère s’aperçoit qu’il manque une pièce détachée. Il poste alors sur Twitter une photo de sa montre (voir ci-contre), avant d’entrer en contact avec le service client de Boulanger. Ce dernier reprend l’Apple Watch et procède au remboursement, puisque la montre est garantie 1 an par le distributeur, comme tout produit neuf. Il conclut son affaire par un message rassurant : « tout est bien qui finit bien ».
Chez @boulanger les Apple watch reconditionnées utilisent non seulement des écrans de contrefaçon (qui se fissurent sans raison), mais sont aussi livrées avec des fonctions manquantes (capteur Force Touch absent) sans que cela soit mentionné dans le descriptif de vente 🤡 pic.twitter.com/MvEsMrwZmg
— Geoff O. Dobolino (@bobdobolino) November 12, 2023
Sauf que cette affaire ne passe pas inaperçue, car elle écorne la réputation du marché du reconditionné. En effet, contrairement à un produit d’occasion, vendu en l’état, le produit reconditionné est « remis à neuf ». D’où viennent les pièces détachées ? Sous quelle condition ? Comment éviter les mésaventures telles que celle de notre confrère ? Quels sont les dessous du reconditionnement d’un produit Apple ? C’est ce que nous avons voulu savoir en interrogeant plusieurs sociétés de ce marché, dont Back Market (qui est le seul professionnel à avoir accepté d’être cité dans cet article).
Les produits Apple sont remis à neuf avec des pièces usagées…
Et le premier constat est édifiant : Apple ne vend pas ses pièces détachées aux reconditionneurs indépendants. Seuls les réparateurs « agréés » ont l’autorisation de la firme à utiliser des « pièces d’origine neuves ». La raison officielle : Apple veut certifier que la qualité des réparations soit toujours au rendez-vous. La conséquence directe est simple : aucun produit reconditionné n’a été remis à neuf avec des pièces d’origine neuves, sauf si vous achetez votre produit chez Apple.
D’où proviennent alors les pièces qui servent à reconditionner les iPhone, Apple Watch et autre iPad ? Il y a deux sources. Il y a les pièces de seconde main. Ce sont des pièces d’origine, mais qui ont déjà servi. Quand un iPhone, par exemple, ne fonctionne plus parce que sa carte-mère est endommagée, les pièces détachées encore fonctionnelles sont récupérées, testées et réutilisées pour équiper d’autres smartphones. Les filières pour acheter des pièces d’occasion sont aussi variées que les filières pour les smartphones, montres et ordinateurs d’occasion : opérateurs, distributeurs ou flotte d’entreprise, en provenance d’Europe, des États-Unis ou d’autres territoires.
… ou sont reconditionnés avec des pièces compatibles non officielles
La seconde filière, la plus importante, est la pièce neuve « compatible ». Ce sont des pièces détachées qui répondent aux mêmes spécifications techniques que les pièces d’origine. Du moins, le plus possible. Ces pièces sont fabriquées par des usines tierces qui ne font pas partie des fournisseurs d’Apple. « Une pièce compatible n’est pas synonyme de pièce de mauvaise qualité », nous explique Marie Castelli, directrice des affaires publiques chez Back Market, sous-entendant qu’une pièce compatible ne cause pas davantage de pannes matérielles qu’une pièce d’origine.
Les reconditionneurs s’adressent à ces usines pour se fournir en pièces détachées pour remettre à neuf les produits d’occasion. Et ils choisissent leur fournisseur en fonction de leurs contraintes économiques. Parce que les marges sont très faibles dans ce métier, les professionnels ne choisissent pas toujours les pièces de meilleure qualité. Des pièces de mauvaise qualité peuvent occasionner deux problèmes : des pannes ou des incompatibilités.
Tous les distributeurs de produits reconditionnés, comme Boulanger, Darty ou Back Market, sont conscients de cette problématique et conseillent les reconditionneurs vers les fabricants de pièces les plus fiables. Mais ils ne sont pas obligés. Cet accompagnement concerne plus particulièrement ceux qui font l’objet de retours produits plus fréquents. Avec, pour les plus récalcitrants à une amélioration des réparations, une interruption de collaboration.
Le reconditionneur n'a pas le droit d'appairer les pièces de rechange
Comme si cela ne suffisait pas, Apple bloque également le changement de pièces détachées dans certains produits, notamment les iPhone. Que ce soit des pièces compatibles ou des pièces d’origine de seconde main. Et ce blocage est logiciel. En effet, chaque composant est muni d’un identifiant. Et chaque carte-mère dispose d’une liste d’identifiants. Quand un réparateur agréé change une pièce, il dispose d’une permission spéciale pour indiquer à la carte-mère le nouvel identifiant de la pièce. On appelle ça l’appairage (comme avec le Bluetooth). Ainsi, la nouvelle pièce dispose de toutes les autorisations et fonctionne de façon optimale.
En revanche, si l’appairage n’est pas effectué par le reconditionneur ou si la pièce ne peut être reconnue, l’appareil va quand même fonctionner. Mais la compatibilité est réduite à son minimum. L’utilisateur ne profite pas de tous les services attendus. Et l’appareil va afficher des messages anxiogènes expliquant qu’une pièce non officielle est détectée et que l’utilisateur a peut-être acheté une contrefaçon. Cela n’aide évidemment pas à l’image de marque du marché du reconditionné. Apple n’est pas la seule à imposer que les pièces détachées soient appairées. Mais c’est la plus importante, évidemment.
Le reconditionneur doit aussi apporter plus d'information aux clients
Un autre problème se pose quand au reconditionnement des produits Apple par des réparateurs non agréés : c’est le manque d’informations accessibles aux consommateurs. Aucun revendeur de produits remis à neuf ne va afficher pour chaque produit la provenance des pièces détachées : sont-elles issues d’une filière recyclée ou d’une filière compatible ? Ce n'est jamais affiché. Une remarque que nous pourrions également faire sur le produit en lui-même : d’où provient l’iPhone reconditionné que j’achète, quel a été son usage précédent (professionnel ou particulier), quelles sont les réparations qu'il a subies, etc. Le pédigrée du téléphone n’est jamais affiché. Bien sûr, ces questions concernent aussi les produits d’autres marques. Mais compte tenu de la difficulté d’approvisionnement et les limitations dues à l’appairage, l’enjeu sur les produits Apple n’est évidemment pas le même.
La situation va-t-elle s’améliorer ? La réponse est oui, mais graduellement. Tous les acteurs du reconditionné travaillent avec la Commission européenne pour faire bouger le cadre légal. Un cadre qui va évoluer grâce à la loi Ecodesign 2022. Cette loi va obliger Apple, et tous les autres constructeurs, à mettre à disposition les pièces détachées des produits électroniques pendant 7 ans à partir de l’arrêt de la fabrication d’un produit. En 2025, cela concernera uniquement les smartphones et les tablettes. Mais cela devrait être élargi à d’autres gammes. « Back Market travaille avec la Commission pour inclure les ordinateurs portables dans le dispositif », confie Marie Castelli. Conséquences de cette loi, parmi d'autres, Apple va lancer son programme Self Service Repair.
L'Europe oblige Apple à faciliter l'accès aux pièces détachées dès 2025
La loi Ecodesign va également apporter deux autres changements. Le premier est l’interdiction de vendre les pièces en bundle. Aujourd’hui, Apple ne vend pas les pièces détachées seules, mais en pack incluant plusieurs pièces. Lors d’une réparation ou une remise à neuf, rares sont les situations où l’ensemble du bundle est utile. Les pièces en trop, achetées par obligation, représentent une perte sur la marge du réparateur. En 2025, la vente groupée sera interdite.
Deuxième changement, l’apparaige des pièces détachées sera ouvert sans discrimination. Cela concerne uniquement les remises à neuf utilisant des pièces de seconde main d’origine. Il n’y aura plus de messages d’alerte inquiétant au démarrage. Bien évidemment, il n’est pas encore question d’ouvrir cette permission aux pièces compatibles. Et il n’est pas question non plus de réguler le prix des pièces détachées : chaque marque conserve le droit de vendre au prix qu'elle souhaite. Mais la loi continuera certainement d’évoluer, parce que le reconditionné sert la cause écologique et environnementale. En outre, elle sera accompagnée d'initiatives locales, comme les Labels de qualité du reconditionné en France qui rassureront les consommateurs avant l'achat.