iPhone et obsolescence programmée : Apple se moque-t-il des consommateurs ?
L’affaire des iPhone ralentis qui frappe Apple depuis fin 2017 pose de nombreuses questions. La marque à la Pomme fait l’objet de plusieurs enquêtes pour obsolescence programmée et tromperie sur les trois grands continents. Pour apaiser les tensions, Tim Cook a multiplié les annonces, les promesses et les mesures. Mais leur impact semble assez faible. Apple se moque-t-il des consommateurs ?
Fin 2017, Apple était frappé par une affaire entourant l’iPhone. La firme de Cupertino était accusée de programmer ses smartphones pour que les performances soient réduites au fur et à mesure des mises à jour, soit dès la commercialisation d’un nouveau modèle. Tim Cook, CEO d’Apple, a alors expliqué que ce choix avait été fait pour épargner la batterie qui se dégradait avec le temps. Cette justification n’a pas convaincu. Pire, les aveux du PDG ont éveillé les soupçons des associations de consommateurs. Un peu partout dans le monde, des plaintes ont été déposées pour obsolescence programmée et tromperie. En France, en Italie, aux Etats-Unis et en Corée du Sud, la justice a répondu favorablement aux plaintes. Des enquêtes ont été ouvertes dans tous ces pays.
Pour apaiser les tensions, Apple s’est montré plus communicatif que jamais dans ce genre de cas. Tim Cook a reconnu que l’entreprise avait manqué de transparence. Il a même précisé qu’ils auraient dû laisser le choix à l’utilisateur. La firme a même mis en place des mesures exceptionnelles. Mais toutes ces réactions sont loin d’être à la hauteur. Apple donne l’impression de se moquer des consommateurs.
Apple reconnaît sa faute, à demi-mot
“Faute avouée à moitié pardonnée” dit le dicton. Concernant Apple et l’affaire des iPhone ralentis, il n’est pas tout à fait exact. Peut-être aussi parce que la firme de Cupertino n’a pas complètement reconnu sa faute. Suite au scandale, la marque est d’abord restée silencieuse. Jusqu’à ce que l’affaire fasse beaucoup trop de bruit pour être ignorée. Un communiqué de presse a alors été publié par le géant californien pour donner sa version des faits.
Apple reconnaît dans ce document que les iPhone sont programmés pour que leurs performances se réduisent avec le temps. Plus précisément, chaque mise à jour ralentit un peu plus le smartphone. Mais pour noyer le poisson, l’entreprise a expliqué qu’elle avait eu cette démarche pour le bien des utilisateurs. En effet, réduire les performances des modèles vieillissants permettrait de ralentir la dégradation des batteries, donc de l’autonomie. Un “oui mais” qui a du mal à passer auprès du grand public. Car Apple ne laisse pas le choix aux utilisateurs. Certains préfèrent peut-être conserver de bonnes performances et voir l’autonomie réduite. Mais dans le fond, devoir choisir n’est-il pas déjà exagéré ?
iPhone à plus de 1000€ : choisir entre performances et autonomie
Pour laisser plus de libertés aux utilisateurs, Tim Cook a annoncé que dès la prochaine mise à jour majeure d’iOS, les utilisateurs pourraient choisir entre performances et autonomie. Bonne nouvelle en soi, mais à mettre en perspective tout de même. L’iPhone a toujours été l’un des smartphones les plus chers du marché, si ce n’est le plus cher. Et avec le temps, sa côte ne baisse pas. C’est d’ailleurs l’un des arguments des acheteurs d’iPhone : un an après on peut encore le revendre à un bon prix. Problème : Apple a avoué qu’un an après, il était déjà moins performant. Sachant qu’en moyenne un consommateur change de smartphone tous les 18 mois, les iPhone revendus sont donc moins performants mais encore chers.
Un iPhone X coûte aujourd’hui plus de 1000 euros. Dans un an, il sera donc moins performant ou affichera une moins bonne autonomie. L’utilisateur pourra choisir. Soit. Mais à plus de 1000 euros la machine, le consommateur n’est-il pas en droit d’exiger un téléphone optimisé même après un ou deux ans d’utilisation ? Auriez-vous accepté d’acheter un Macbook Air tous les ans (un Macbook Air coûtait environ 1200 euros) parce qu’Apple avait mal conçu son produit (volontairement ou non) ? Le discours d’Apple qui consiste à laisser le choix est-il vraiment raisonnable ? En voulant montrer que c’est une marque qui écoute ses utilisateurs, Apple se décrédibilise seul. Car la conclusion est la suivante : soit Apple n’est pas capable de concevoir un produit qui dure (et ce n’est pas vraiment amazing), soit il conçoit volontairement ses produits pour qu’ils se dégradent rapidement, ce qui conduit le consommateur à un nouvel achat. Dans ce cas, c’est de l’obsolescence programmée. Dans tous les cas de figure, l’image d’Apple en prend un coup.
Apple change les batteries, contre 29€
Le géant californien a son image d’autant plus égratignée qu’il a déjà mal géré une première opération. Celle des changements de batterie. Apple a expliqué que tout au long de l’année 2018, il serait possible de changer la batterie des iPhone veillissants (SE, 6, 6S, 7 et leurs versions Plus). Mais cette opération n’est pas gratuite. Au lieu de 89 euros, on peut changer la batterie contre 29 euros. Le prix est divisé par 3. Aucune condition n’est requise pour ce changement de batterie contrairement à avant (il fallait que la batterie soit sous les 80% de son potentiel). Aux Etats-Unis l’opération est déjà lancée, mais pas en France où elle devrait être mise en place début 2018 (sans précisions).
“En quoi Apple se moque-t-il des consommateurs ici ?” direz-vous. Résumons alors la situation. Un consommateur achète un iPhone à prix d’or entre 2014 et 2017. Un an plus tard, ce même iPhone est moins performant. Cette démarche est volontaire de la part du constructeur et il le reconnaît publiquement. Pour palier le problème, il propose de remplacer les batteries parce qu’une batterie neuve permet de retrouver un smartphone aussi performant que lors de l’achat. Mais il faut payer 29 euros. Le constructeur trompe le consommateur mais c’est encore lui qui doit payer . Venant de l’entreprise qui détient la plus grosse réserve de cash au monde, la pilule a du mal à passer. Souvenez-vous de Samsung et des problèmes de batterie du Galaxy Note 7. Le coréen avait organisé une campagne mondiale de rappel et avait remplacé gratuitement les batteries défectueuses.
Et si nous revenions à la raison ?
Cette affaire semble dénuée de tout sens et pourtant elle est bien réelle. Quelles sont les perspectives ? Il y en a plusieurs. Ne rêvons pas, Apple ne changera pas du jour au lendemain ce genre de pratique de bon coeur. Deux choses peuvent amener l’entreprise à la réflexion. La première, une condamnation par la justice qui touche aux finances. En France, si Apple est reconnu coupable d’obsolescence programmée il risque deux ans de prison et 300 000 euros d’amende. Mais si les revenus de la firme liés au préjudice sont supérieurs à ces 300 000 euros, une amende équivalent à 5% de ce préjudice devra être payée. Dans d’autres pays, les montants peuvent être bien plus importants.
Autre moyen : que le consommateur se rebelle. Qu’il opte pour des alternatives. Elles existent, elles sont bien plus abordables. L’essor de nouvelles marques comme OnePlus, qui misent sur un rapport qualité-prix imbattable, permettent de profiter de modèles tout aussi performants pour un prix divisé par 2. Et même si un jour le consommateur découvre que finalement “ils font tous pareil”, il pourra se consoler en se disant qu’il n’a pas dépensé un SMIC dans un smartphone.