Pourquoi la production de batteries risque de détruire l’océan de manière irréversible
Face à la demande grandissante de batteries, les entreprises pourraient bientôt ne plus avoir d’autres choix que de fouiller les fonds marins à la recherche de matériaux. Toutefois, cela pourrait grandement endommager cet environnement dont on ne sait encore que peu de choses.
Difficile aujourd’hui de se passer des batteries. Celles-ci alimentent désormais la plupart de nos appareils essentiels à notre quotidien, qu’il s’agisse de smartphones, PC portables, montres connectées et même voitures électriques. De fait, la demande pour les batteries a considérablement augmenté ces dernières années et, avec elle, celle pour les matériaux nécessaires à leur construction.
Ces matériaux n’étant pour certains pas renouvelables, il devient urgent pour les constructeurs de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement pour maintenir la cadence. Les fonds marins pourraient alors devenir le théâtre de la prochaine ruée vers le cobalt. Dès l’année prochaine, les industriels pourraient investir les océans à la recherche de minerais rares, destinés à la production de nos batteries.
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Les océans face à la menace de l’exploitation minière
Les conséquences d’une telle exploitation pourraient être catastrophiques pour l’écosystème des fonds marins. Un récent rapport de Fauna & Flora, ONG chargée de la protection de la biodiversité autour de la planète, s’alarme en effet des risques posés par l’arrivée des industriels dans un environnement que l’on connaît encore à peine. C’est précisément ce manque de connaissances sur ce milieu qui pourrait mener à un véritable cataclysme écologique.
« On pourrait dire que nous en savons plus sur la surface de la Lune que sur les grands fonds marins », affirme Catherine Weller, directrice de la politique mondiale de Fauna & Flora. « Il est donc illogique de s’y rendre et de les détruire. Les dommages que nous causerions seraient irréversibles ». Ce que nous en savons, en revanche, est déjà très inquiétant.
Nous savons par exemple que les nodules polymétalliques, c’est-à-dire les concentrés de minéraux que l’on retrouve au fond des océans, mettent plusieurs millions d’années à se former. Autrement dit, leur exploitation industrielle signifie leur fin pure et simple. Autre source d’inquiétude, le déplacement des sédiments par activité humaine peut polluer les eaux moins profondes et les rendre invivables pour les espèces qui y habitent. Pire encore, ces derniers renferment une grande quantité de CO2, qui sera relâché dans l’air en cas de perturbation, accélérant le réchauffement climatique.
Il est également question de la pollution sonore dans une étude publiée l’année dernière dans le journal Science. En effet, certaines espèces sous-marines se repèrent grâce à l’écholocalisation, qui serait donc fortement perturbée par le bruit de l’extraction des minerais. « Ils vivent dans un endroit froid et relativement calme où la lumière ne pénètre pas. Et pourtant, vous enverriez là-bas des machines bruyantes, créant de la lumière, remuant des sédiments. Quel impact cela aura-t-il sur la capacité de l’espèce à survivre ? » souligne Catherine Weller.
Les scientifiques appellent à une interdiction totale de l’exploitation minière des océans
Aussi, les experts sont nombreux à espérer que les industriels n’en viennent pas à exploiter les fonds sous-marins pour la fabrication de batteries, qui fait déjà des ravages à l’air libre. D’après le rapport de Fauna & Flora, il est impératif « d’éviter à tout prix » l’extraction de minerai en milieu océanique. A minima, il est nécessaire d’attendre d’en savoir plus sur cet environnement mystérieux, afin de mieux évaluer l’impact de l’activité humaine sur ce dernier.
Aussi, de premières négociations ont déjà lieu à Kingston, en Jamaïque, pour la mise en place d’un « code des minerais ». Celui-ci va « assurer une meilleure protection de l’environnement marin tout en définissant les conditions d’un accès et d’une utilisation responsables des ressources essentielles à la lutte contre le changement climatique », explique Rory Usher à nos confrères de The Verge, responsable des relations publiques et des médias pour The Metals Company.
Pendant ce temps, plusieurs pays, dont la France et l’Allemagne cherchent déjà à ralentir les industriels. Certaines grandes entreprises de la tech, qui risquent pourtant d’avoir besoin de ces minerais sous-marins, les ont d’ailleurs rejoints, telles que Google, Samsung ou encore BMW. Reste donc à chercher des alternatives, comme le font déjà certains chercheurs en développant de nouvelles batteries plus respectueuses de l’environnement.
Source : Fauna & Flora