La PS5 Pro de Sony est loin d’être la première console « Pro » de l’histoire du jeu vidéo, et certaines se sont prises de sacrées gamelles. On vous raconte les plus gros flops

Sony sort sa PlayStation 5 Pro le 7 novembre. Cristallisant bien des interrogations, la console la plus puissante de tous les temps aura fort à faire pour s’imposer et poursuivre l’héritage des extensions. Quand on regarde l’histoire, ce n’est pas forcément gagné…

Ces dernières années, la notion d’extension de consoles est presque devenue une norme. Plutôt que de se contenter d’un relooking, les constructeurs ont choisi de proposer des versions améliorées de leurs machines existantes. La refonte en profondeur d’une architecture représente un coût faramineux, mais en produisant les PS4 Pro, Xbox One S et autres Xbox One X, Sony et Microsoft ont réussi à fidéliser leur communauté, tout en prolongeant la durée de vie de leur écosystème. Puissantes et ambitieuses, les consoles de jeu sont ainsi rentrées dans un cycle qui était plutôt réservé au monde de la micro-informatique. Certaines personnes diront que cette approche est antinomique pour un matériel plug-and-play, mais l’existence de la PS5 Pro prouve que cette solution, bien que coûteuse, est pratique pour éviter un surplus des investissements en matière de recherche et développement. On prend quelque chose qui existe déjà et on le transforme pour en faire un hardware encore plus puissant. De là à sortir une console à 799 euros, les joueurs se feront leur propre avis sur la question…

Le CD-ROM a tout changé

Dans l’histoire du jeu vidéo, les extensions ont toujours existé. Mais à l’exception de quelques cas comme la PC Engine, le monde des consoles se limitait très souvent à des dispositifs venant se greffer au matériel d’origine ou à des relookings visant à abaisser les coûts de production (Master System 2, Mega Drive 2, etc.). Emboîtant le pas à la micro-informatique à la fin des années 1980, plusieurs constructeurs, comme NEC ou SEGA, se sont emparés de ce phénomène pour permettre à leurs machines de s’adapter à l’évolution technique. L’arrivée du CD-ROM fut un tournant et coïncida avec la sortie de lecteurs additionnels. Même une entreprise comme Nintendo, très traditionnelle dans son approche, a failli céder aux sirènes du lecteur CD-ROM pour sa Super Nintendo. Avant de faire marche arrière et de nourrir la vengeance d’un Sony qui répliqua avec sa PlayStation. Dans l’univers du jeu vidéo, SEGA a toujours eu l’étiquette de l’entreprise prête à prendre des risques et la direction a souvent poussé à l’innovation, quitte à se prendre les pieds dans le tapis. Les extensions, c’est bien, mais la gamelle n’est jamais bien loin.

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Bien que plus populaire au Japon qu’en occident, la console PC-Engine de NEC fut la pionnière en matière de CD-ROM. Dès décembre 1988, les possesseurs de cette machine pouvaient acheter le CD-ROM2 System pour profiter de jeux plus impressionnants, mais aussi de CD Audio et Karaoké. Inutile de vous dire qu’à l’époque, c’était le futur. Chez SEGA, qui venait de sortir sa Mega Drive, cet affront technologique fut très mal perçu. Hayao Nakayama, patron emblématique de l’entreprise, a alors exigé de ses ingénieurs qu’ils procèdent à des tests techniques pour répondre à cette concurrence. C’est ainsi que le projet démarre au tout début de l’année 1989. L’un des employés fonce dans une boutique pour se procurer le lecteur de CD-ROM de NEC et l’ingénieur principal, Tomio Takami, l’ouvre pour le disséquer. En parallèle, SEGA effectue une étude de marché pour s’assurer que le projet soit viable. Les joueurs étant réceptifs, tous les feux sont au vert. Seulement, ça ne va pas durer…

Mega-CD, méga galère

Reposant sur une architecture proche de la Mega Drive, le lecteur de CD-ROM de SEGA est au cœur de tensions entre la maison-mère japonais et sa filiale américaine. Chez SEGA of America, la direction comprend qu’il se trame quelque chose sur l’archipel et ils ne supportent pas de ne pas être mis au courant. Pris la main dans le sac, après un appel téléphonique quelque peu animé, SEGA Japon propose à SEGA of America de lui envoyer le futur lecteur CD afin que chacun puisse travailler de concert sur les futurs jeux. En réalité, SEGA Japon a une peur maladive des fuites dans la presse. Pour noyer le poisson, ils décident d’envoyer des leurres vers les États-Unis, autrement dit des prototypes qui ne sont pas du tout fonctionnels. Certains modèles vont même jusqu’à prendre feu, nécessitant l’intervention des pompiers. La documentation, quant à elle, arrive en japonais et doit être traduite aux frais de SEGA of America. Ubuesque.

Alors que les ingénieurs de SEGA of America se dépatouille comme ils peuvent pour adapter le futur lecteur CD de la Mega Drive aux normes occidentales, le Japon voit arriver le produit en magasin. Intitulé Mega CD, il est onéreux et ne rencontre pas le succès escompté, la faute à des jeux qui n’exploitent pas la puissance de l’appareil. Les joueurs ne s’y retrouvent pas et les rédactions spécialisées du monde entier le font savoir. Chez SEGA of America, cette première extension est vécue un grand 8 : « Il s’agissait des débuts du support optique dans l’industrie du jeu vidéo, et aucun d’entre nous ne savait réellement ce qu’il était en train de foutre. C’était de la pure expérimentation, mais c’était instructif. » Porté par des jeux en Full Motion Video (un procédé qui permet d’interagir avec un film), le Mega CD ne marquera pas les esprits, malgré un catalogue loin d’être inintéressant au final. On pourrait ainsi croire que SEGA allait s’arrêter là. Que nenni…

L'extension de trop ?

À l’approche du milieu des années 1990, le jeu vidéo est dans une véritable effervescence et tout le monde estime, à juste titre, que le CD-ROM est le support de demain. Alors que SEGA Japon développe sa future console, la filiale américaine cartonne avec la Mega Drive et veut absolument capitaliser sur ce succès. Lors d’une réunion téléphonique, le responsable technique de SEGA of America propose la création d’une extension pour la Mega Drive qui boosterait la puissance de la console, lui assurant ainsi une durée de vie supplémentaire. L’idée est acceptée par le Japon, mais le projet va finalement aboutir à un calvaire sans nom. SEGA Japon, étant trop occupée par la future Saturn, décide de baisser le budget accordé à sa filiale américaine. Le résultat est sans appel : le 32X, sorte de champignon venant se greffer à la Mega Drive, est fabriqué avec les moyens du bord et rencontrera d’énormes problèmes de disfonctionnement à sa sortie. Se heurtant à la Saturn et la PlayStation, il disparaîtra dans un anonymat complet – là encore, malgré certains jeux vraiment sympathiques. Beaucoup se rappellent avec émotion des parties de Virtua Racing, Star Wars Arcade ou encore Doom.

Ce que démontrent ces exemples, c’est que les extensions peuvent être une solution de facilité se transformant en cadeau empoisonné. En voulant capitaliser sur la prolongation de vie de la Mega Drive, SEGA a brouillé les pistes des consommateurs et ne s’en est jamais vraiment remis, malgré deux dernières consoles devenues cultes. Nintendo a vite compris que ça ne mènerait nulle part et ils ont surtout misé, dans les années 1990, sur les accessoires ou dispositifs additionnels, comme le Super Game Boy de la Super Nintendo (adaptateur pour cartouches Game Boy). Depuis cette époque, les temps ont changé et les extensions sont devenues une manne financière importante pour les constructeurs. Avec la PS5 Pro, Sony tente un pari extrêmement risqué, même si les 45 % de puissance supplémentaire par rapport à une PS5 ont de quoi faire saliver. Il va être très intéressant de voir comment le public va s’adapter à cette nouvelle donne, tant tarifaire que technique. L’histoire nous a montré que rien n’est écrit dans le marbre.

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