Et maintenant un smartphone avec 10 Go de RAM, et puis quoi encore ?
Avec son Xplay7 le constructeur chinois Vivo devrait être le premier à lancer un smartphone doté de 10 Go de RAM. Sur le papier le chiffre impressionne. Mais dans les faits, à quoi autant de mémoire pourrait bien servir ? Cette course au toujours plus n’est-elle pas un syndrome du manque de créativité et d’innovation des géants du secteur ? 10 Go de RAM ! Et puis quoi encore ?
Vivo est une marque de smartphones que vous ne connaissez peut-être pas. Ce géant du secteur est une référence sur le marché asiatique et il s’apprête à se lancer en Europe en partenariat avec Qualcomm. Pour se faire remarquer, la marque devrait mettre les petits plats dans les grands. De multiples rumeurs concernant son prochain smartphone haut de gamme, le Vivo Xplay7, laissent pantois. Au programme, un processeur Snapdragon 845, 256 à 512 Go de stockage, un écran borderless encore jamais vu (93% de la face avant), et surtout 10 Go de RAM. Le Vivo Xplay7 serait alors le premier smartphone à embarquer autant de mémoire vive.
Rien de surprenant dans ces informations si l’on suit Vivo depuis longtemps. Le constructeur s’est toujours montré précurseur sur de nombreuses technologies. Vivo a par exemple présenté le premier smartphone avec lecteur d’empreintes sous l’écran et il était déjà le premier à lancer un smartphone avec 6 Go de RAM. Il s’agissait du Vivo Xplay5. Avec le Xplay7 on passe donc à un nombre à deux chiffres pour la première fois dans l’histoire du smartphone. Mais une fois l’effet “record” passé, à quoi peut bien servir autant de mémoire ?
10 Go de RAM, pour quoi faire ?
A l’heure où nous écrivons ces lignes, la plupart des smartphones haut de gamme sont équipés de 4 ou 6 Go de RAM. Quelques modèles comme le OnePlus 5T sont allés plus loin avec 8 Go de RAM. Mais ils sont tout de même plutôt rares sur le marché. Alors oui, 10 est mieux que 8 et donc d’un point de vue marketing c’est un argument supplémentaire pour Vivo. Mais avec un tout petit peu de recul, il est tout à fait légitime sur la nécessité d’autant de mémoire.
D’abord parce que nos smartphones actuels n’exploitent même pas les 8 Go de RAM qui équipent certains modèles. Les développeurs s’efforcent de créer des applications qui épargnent la mémoire vive. Une sorte de réflexe adopté dès les débuts des smartphones qui étaient à l’époque moins bien équipés et qui nécessitaient une grosse optimisation des applis. Concrètement, en 2018, même en faisant tourner un grand nombre d’applications gourmandes en même temps, 4 ou 6 Go de RAM suffisent.
Pour justifier ce choix d’augmenter chaque fois la RAM, les constructeurs expliquent que le but est de prendre les devants sur les technologies de demain. On sait par exemple que la réalité virtuelle ou la réalité augmentée sont des technologies qui nécessitent beaucoup de ressources. Même en supposant que ces technologies se démocratiseront et qu’elles nécessiteront autant de mémoire, elles ne le seront pas dans 2 ans. Or un consommateur change de smartphone tous les 18 mois en moyenne. L’argument du produit “prêt pour les technologies du futur” ne tient pas.
Alors à quoi servent 10 Go de RAM ? A aller plus vite ? Sans doute, mais la différence avec 6 ou 8 Go de RAM ne se fera pas sentir au quotidien. Pour jouer à celui qui a la plus grosse ? Sans doute, mais le consommateur n’en a rien à faire. Pour avoir un argument marketing de plus ? Indéniablement, mais cela en devient tellement ridicule que le grand public n’y est même plus sensible.
Le “toujours plus”, symptome d’un secteur en manque d’innovation
Cette tendance au “toujours plus” rappelle l’époque à laquelle les constructeurs proposaient des appareils photos avec toujours plus de mégapixels. Nous avions atteint les 81 mégapixels sur un modèle qui est finalement passé inaperçu, le Light L16. La course aux écrans toujours plus grands a aussi fait son temps. Ce phénomène touche également la RAM depuis les débuts du smartphone. Si au sujet de la mémoire cette euphorie n’a pas encore pris fin, il en est tout autre concernant les autres critères.
Après avoir expliqué au consommateur qu’un appareil photo avec le plus de mégapixels était le meilleur possible, les concstructeurs ont fini par changer de discours. Non un bon appareil photo ce n’est pas seulement cela. Ainsi les capteurs photos de nos smartphones actuels affichent tout au plus une vingtaine de mégapixels. Mais les constructeurs ont étudié d’autres technologies (le double capteur par exemple), ont optimisé le traitement logiciel pour améliorer chaque année la qualité photo. Idem concernant les écrans. Après avoir étiré les dalles jusqu’à des dimensions à peine concevables, les constructeurs ont réfléchi à proposer des smartphones avec de grands écrans mais plus compacts. Il aura fallu attendre 2017 et les écrans 18:9 pour y parvenir.
Du côté de la RAM, c’est hélas toujours le même son de cloche. Oui nous avons toujours plus de RAM mais d’un point de vue utilisation cela ne change strictement rien. Aucun jeu, aucune application, ni même l’utilisation en multitâche de dizaines d’applis très lourdes ne viendraient pas à bout de 10 Go de RAM. Les 8 Go n’ont jamais été atteints jusqu’à maintenant. C’est dire ! Finalement les 10 Go c'est un peu la solution de facilité pour ne pas se fatiguer avec du travail d'optimisation.
Et les besoins de l’utilisateur alors ?
Ces 10 Go de RAM posent avant toute chose la question des besoins des utilisateurs. Aujourd’hui, les premiers critères de choix d’un smartphone sont le prix, le design, l’appareil photo, l’écran et les performances. Autant dire qu’avoir plus de RAM n’est pas vraiment la préoccupation du grand public. Ce que Mr ou Mme Toutlemonde veut, c’est un téléphone joli, avec un bon appareil photo et avec un bel écran. Qu’il affiche 100 000 points ou 200 000 points sur les benchmarks lui importe peu. “Le temps que ça marche”.
Intégrer 10 Go de RAM c’est donc passer à côté des besoins de l’utilisateur. Car non seulement c’est inutile mais la RAM est aussi l’un des composants les plus chers d’un smartphone. Autrement dit, le constructeur va augmenter son coût de production, et sous couvert d'un tel argument marketing, justifier un prix plus élevé. Sauf que le prix est le critère numéro 1 du consommateur. Vous l’avez bien le tableau là ? Ou ça rame ?