Mariage Orange-Bouygues : tout comprendre simplement en 9 questions
L’évènement de ce début d’année sur le marché des opérateurs, c’est le mariage qui pourrait unir Orange et Bouygues Telecom. Les deux opérateurs pourraient en effet signer un accord pour que Bouygues Telecom s’invite au capital d’Orange. Si selon Stéphane Richard l’opération est sur le point d’aboutir, il est difficile pour les non-initiés de bien comprendre tous les enjeux liés à cette opération.
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Nous en parlons depuis des semaines, et les informations sont nombreuses. Difficile d’y voir clair tant cette opération semble complexe. Mais étant donné l’importance de ce rachat et les enjeux qu’il représente, nous avons décidé de vous concocter un petit questions/réponses pour y voir plus clair. Voici donc 9 questions pour comprendre simplement le mariage Orange-Bouygues Telecom.
Pourquoi un mariage Orange-Bouygues Telecom ?
C’est évidemment la première question que l’on se pose. Pourquoi vouloir revenir à trois opérateurs alors que l’arrivée de Free Mobile a provoqué un séisme sur le marché, séisme qui a été bénéfique pour les consommateurs ?
Pour faire simple, cette opération de rachat est avant tout un souhait de Stéphane Richard, le PDG d’Orange. Il aura beau dire le contraire, c’est lui qui aimerait énormément que l’opération aboutisse. Car son obsession depuis l’arrivée de Free Mobile sur la marché, c’est de revenir à un marché à trois opérateurs.
Le mariage avec Bouygues Telecom lui permettrait d’arriver à ses fins en éliminant un concurrent. Ne seraient alors présents sur le marché que Free Mobile, SFR et Orange.
Pourquoi tous les opérateurs sont de la partie ?
Vous l’avez vu à plusieurs reprises, Free et SFR vont faire partie de ce deal si important. Si les deux opérateurs s’invitent dans le mariage entre Orange et Bouygues Telecom, c’est tout simplement parce que sans eux, l’opération est impossible.
En effet, si Orange et Bouygues Telecom se marient sans faire participer les concurrents, Orange se retrouvera alors dans une position largement dominante par rapport à Free et SFR. Orange récupèrerait les 11 millions de clients de Bouygues Telecom et afficherait une part de marché de plus de 50%. L’Autorité de la Concurrence ne validerait donc pas le mariage et Orange n’atteindra pas son objectif.
Stéphane Richard s’est donc imposé logiquement comme chef d’orchestre de toute cette opération. Dans ce deal, SFR pourrait donc récupérer une partie du parc client de Bouygues Telecom. Free Mobile, de son côté, récupèrerait des boutiques et une partie du réseau et des fréquences de l’opérateur pour un partage équitable.
Qui paie pour quoi ?
Comme tous les opérateurs sont de la partie, il va forcément falloir mettre la main au portefeuille. Orange mettrait donc 10 milliards d’euros sur la table pour s’emparer de Bouygues Telecom dont 80% en actions Orange. 2 milliards seraient versés en cash. Bouygues deviendrait alors le principal actionnaire de l’opérateur historique derrière l’Etat.
SFR de son côté s’est dit prêt à verser 4 milliards d’euros pour récupérer une partie des clients de Bouygues Telecom. Pour cette somme, les 1,9 millions de clients de B&You passeraient entre les mains de l’opérateur au carré rouge.
De son côté, Free Mobile verserait 2 milliards d’euros pour récupérer une partie des boutiques de Bouygues Telecom (boutiques RCBT qui appartiennent à l’opérateur, pas les “franchisés”), ainsi qu’une partie des fréquences et des antennes. Orange récupèrerait donc pour sa part ce qui reste c’est-à-dire les clients Bouygues Telecom Sensation et le réseau restant.
Quel rôle va jouer l'Etat ?
Pourquoi dans cette opération l’Etat a-t-il son mot à dire ? Tout simplement parce qu’aujourd’hui il est actionnaire à hauteur de 23% d’Orange. Un statut hérité de France Telecom à l’époque où il s’agissait d’une institution publique, donc appartenant à l’Etat.
S’il se mêle aux négociations c’est parce qu’il ne veut pas trop perdre de parts dans le capital d’Orange. Or, si Bouygues Telecom entre dans le capital, l’Etat va forcément perdre une partie de ses parts. Ainsi, Bouygues Telecom souhaite représenter entre 10 et 15% du capital d’Orange. Dans ces conditions, l’Etat pourrait accepter le deal. Ce dernier souhaiterait rester le principal actionnaire et ne pas descendre sous la barre des 19%.
Qu'est ce qui pourrait empêcher le mariage ?
Plusieurs facteurs pourraient faire capoter le deal. D’abord, l’Autorité de la Concurrence pourrait ne pas valider l’accord si elle considère que ce mariage signerait un retour en arrière. Tous les acteurs doivent donc trouver des accords bien précis et cohérents pour que cette autorité ne fasse pas tomber le projet à l’eau.
L’autre élément important est celui du réseau. SFR et Bouygues Telecom ont passé un accord de mutualisation 4G dans les zones peu denses. Pour faire simple ils unissent leurs ressources pour exploiter les mêmes antennes et offrir de la 4G dans les zones géographiques les plus reculées. Que se passe-t-il si Bouygues Telecom n’existe plus ?
L’Etat pourrait également empêcher ce mariage. D’abord s’il n’est pas satisfait des parts qu’il obtiendra d’Orange, mais également si les opérateurs ne règlent pas les problèmes liés à l’emploi. Emmanuel Macron avait assuré qu’il veillerait à ce que l’opération ne supprime pas d’emplois. Sujet sensible.
Quelles sont les conséquences pour les opérateurs ?
Finalement, ce ne serait pas Orange qui gagnerait le plus dans ce mariage. L’opérateur obtiendrait en fait la suppression d’un concurrent, l’obsession de Stéphane Richard. Pour le marché, cela favoriserait l’investissement et permettrait à la France d’être un acteur majeur sur les réseaux du futur comme la 5G.
Le moteur fondamental de ce rapprochement c’est d’optimiser nos investissements et d’aller plus vite pour apporter la meilleure connectivité possible à tous les français où qu’ils se trouvent. – Stéphane Richard, PDG d’Orange –
Revenir à trois opérateurs permettrait en fait aux opérateurs de dégager plus de bénéfices puisqu’ils agrandiraient sensiblement leur parc client. Ils pourraient ainsi investir davantage dans la fibre et la 4G puis la 5G. L’Etat pousse d’ailleurs les opérateurs à investir toujours plus. La couverture des zones blanches est par exemple un vrai engagement politique du gouvernement.
Et pour les consommateurs ?
En tant qu’utilisateur la plus grosse crainte est évidemment de voir les prix grimper à nouveau après une baisse importante lors de l’arrivée de Free Mobile. Le retour à trois opérateurs annonce-t-il une hausse des tarifs ?
Si Stéphane Richard assure que les prix ne flamberont pas, expliquant que “ce qui s’est passé avec le quatrième opérateur est irréversible”, d’autres pays d’Europe comme l’Autriche ont vu les prix grimper de presque 20% lors d’un retour à trois opérateurs.
Mais selon le PDG d’Orange, la situation de la France est particulière. Nous avons les tarifs parmi les moins élevés au monde, et c’est un acquis pour les consommateurs. L’opérateur qui osera augmenter les prix verra ses clients fuir.
Un avis qui n’est pas partagé par l’UFC-Que Choisir qui estime que revenir à trois opérateurs va forcément diminuer la concurrence. Et s’il y a moins de concurrence, les prix augmentent. A moins que les opérateurs n’établissent plus leur stratégie sur le prix mais sur la qualité de service et du réseau.
Le mariage a-t-il une chance d’aboutir ?
Les différents acteurs se sont donnés jusqu’au 31 Mars pour clore les négociations autour de ce mariage. Pour l’heure Orange a affirmé avoir trouvé un accord avec SFR et Free Mobile. Reste à régler le problème des parts accordées à l’Etat.
Les négociations tout au long de la fin du mois porteront sur un accord entre Bouygues Telecom et l’Etat. Martin Bouygues a affirmé qu’il souhaitait avoir entre 10 et 15% des parts d’Orange, mais selon l’un de ses proches il viserait davantage 15%.
L’Etat de son côté ne veut pas descendre sous la barre des 19% et posera sans doute des conditions sur le terrain de l’emploi. Dans un contexte politique difficile, le gouvernement ne voudra certainement pas figurer comme un acteur responsable de la destruction de milliers d’emplois.
Si toutes les conditions sont réunies pour que Bouygues Telecom, Orange et l’Etat tombent d’accord, alors le mariage aura bien lieu.
Qui serait le grand gagnant de cette opération ?
Contrairement à ce que l’on peut croire, ce ne sont ni Orange, ni Bouygues Telecom qui seraient les grands gagnants de cette opération. SFR récupèrerait une partie des clients de Bouygues mais ce ne serait pas non plus le meilleur deal.
Dans ce mariage c’est en fait Free Mobile qui récupèrerait la plus grosse part du gâteau. Car aujourd’hui, le quatrième opérateur ne cesse d’annoncer des résultats impressionnants. Il séduit chaque jour plus d’abonnés et son réseau s’améliore rapidement.
Le réseau, c’est le principal reproche fait à Free Mobile qui n’est encore qu’un jeune opérateur. En retard sur la 4G par rapport à ses concurrents, cette opération lui permettrait de récupérer les antennes et le réseau de Bouygues Telecom et donc d’offrir un réseau de qualité (Bouygues Telecom est le meilleur sur la 4G juste derrière Orange).
Free Mobile se retrouverait donc avec de nouvelles fréquences, un nouveau réseau de qualité, et tout ceci pour 2 milliards d’euros. S’il avait dû investir pour développer son réseau lui-même, non seulement cela lui aurait pris beaucoup plus de temps mais il aurait également dû investir bien plus. Le grand gagnant de ce mariage ce serait bien Free Mobile.