Nintendo a pris d’énormes risques avec ce jeu. Il est finalement devenu l’un des plus grands succès de son histoire
C’est bientôt l’heure des au-revoirs pour la Nintendo Switch, qui sera bientôt remplacée par une deuxième itération. Nous avons décidé de rendre hommage à cette console qu’on aime tant en revenant sur l’un de ses jeux de lancement, le phénoménal The Legend of Zelda : Breath of the Wild.
En imaginant le concept de The Legend of Zelda : Breath of the Wild, Nintendo a pris un énorme risque. Si le sens de l’histoire allait vers la création d’un monde ouvert, le producteur Eiji Aonuma reconnaît sans mal que la plus grande difficulté a été de réaliser un jeu d’une telle ampleur. Il détaille : « C’est la première fois que nous réalisions un jeu de cette taille, et au départ, nous pensions même la tâche impossible. Et pour construire ce monde gigantesque, avec des équipes de développement qui le sont également, il a fallu le bâtir en posant une base et en l’enrichissant petit à petit. Ce qui nous a pris le plus de temps fut donc de créer un environnement de travail propice avec une gigantesque équipe, ainsi que de bâtir le moteur du jeu. » Si ce jeu ne ressemble à aucun autre épisode Zelda, ce n’est pas un hasard. Outre la modernisation souhaitée par le staff, il est aussi le fruit d’un homme, Hidemaro Fujibayashi, un ancien de Capcom devenu une pièce maîtresse de Nintendo. Ce dernier confie : « Nous avons vraiment commencé aux alentours de janvier 2013. Nous avons envisagé de changer les conventions de la série The Legend of Zelda dès le début du développement. Nous avons réfléchi aux différentes mécaniques de jeu et essayé de déterminer les aspects immuables de Zelda et ceux qui étaient devenus des conventions dans la série. Nous avons d’abord choisi la direction d’ensemble puis toute l’équipe s’est réunie pour définir les éléments à modifier ou non. »
Innover sans trahir
C’est avec le leitmotiv de moderniser les conventions d’antan que le staff de Nintendo a commencé à travailler. Plus facile à dire qu’à faire, surtout quand on touche à une saga fortement établie dans le cœur des fans. Conscient que la technologie pouvait leur permettre de créer un véritable monde ouvert, ils se sont alors lancés dans le grand bain. Alors que les précédents jeux se résumaient à des zones interconnectées, l’équipe pouvait désormais supprimer ces frontières qui imposaient un certain game design. Par rapport à d’autres studios de développement, Nintendo travaille beaucoup en testant et en itérant, sans forcément passer par des quantités de documents papier. Comme le souligne Satoru Takizawa, le directeur artistique, l’équipe avait accès à un forum privé sur lequel elle pouvait déposer toutes sortes d’idées. Les jeunes designers ont ainsi eu des idées complètement folles, comme la présence d’OVNI enlevant le bétail ou des rayons lasers géants que le héros, Link, devait éviter. Évidemment, nombre d’entre elles n’ont pas été retenues, mais elles ont permis à Breath of the Wild de proposer un souffle nouveau, à l’image du titre du jeu.
Pour mettre sur pied les prémices du monde ouvert et ses aspects techniques, comme le fait d’entrer dans un bâtiment sans subir de chargement, l’équipe de Nintendo a décidé de créer un prototype en 2D – un peu à l’image du tout premier Zelda sur NES – pour tester la structure du jeu et toutes ses composantes. « Comme nous disposions de modèles de personnages Zelda en 2D, nous les avons utilisés », relate Hidemaro Fujibayashi. « Le style de jeu intégré dans Breath of the Wild a séduit l’équipe en partie parce qu’il a été testé via ce prototype en 2D. Quand nous avons décidé de passer à la 3D, de renforcer la difficulté et de modifier les scènes pour plus d’impact, nous avons réalisé la masse de travail que ça représentait. Cette expérience nous a montré tout le potentiel du jeu, mais aussi la quantité de fournir. »
Construction systémique
Lors de sa sortie en 2017 pour le lancement de la Nintendo Switch (sans oublier la Wii U), The Legend of Zelda : Breath of the Wild a marqué les joueurs par son concept de gameplay systémique. Sous ce nom un peu barbare se cache une idée absolument géniale qui a conquis les fans de la première heure, mais aussi les autres. Concrètement, tous les éléments interagissent entre eux, ce qui permet, par exemple, de créer un petit incendie en lançant une branche enflammée dans une prairie. Takuhiro Dota, le directeur technique, explique : « Par le biais du prototype, nous avons compris que si les éléments pouvaient tous interagir entre eux, cette interconnectivité engendrerait de nouvelles expériences. Nous avons décidé de partir sur ce concept comme base de travail. » Cette interaction entre les éléments coule de source quand on joue à Breath of the Wild, mais ce ne fut pas simple pour l’équipe de trouver des idées. Il y a ainsi eu une quantité énorme de tests pour imaginer les répercussions de certains éléments sur le joueur et les ennemis, comme notamment la foudre, le feu ou encore l’eau. Dans le cas des orages, et donc de la foudre, il est impératif de ne pas porter d’armes, de boucliers ou d’armures en métal pour éviter de se faire électrocuter. À l’inverse, le joueur peut exploiter cet élément climatique en lançant une épée en métal près d’un ennemi pour que celui-ci la ramasse bêtement et s’élimine de lui-même. Ce n’est là qu’un infime exemple des possibilités offertes par Breath of the Wild. Ce qui est sûr, c’est que la présence d’orages dans le jeu et leur utilisation a été un énorme déclic pour tout le staff.
Doté d’une direction artistique absolument phénoménale, The Legend of Zelda : Breath of the Wild est une œuvre hypnotique qui a marqué le lancement de la Nintendo Switch. Il est très rare que Nintendo lance un épisode de la série à l’arrivée d’une nouvelle console et vivre cette aventure fut une expérience absolument unique. Le jeu est si impressionnant que tout a été pensé pour que les joueurs puissent se repérer simplement en grimpant en haut d’une falaise, d’une montagne ou de tout autre endroit surélevé. Vertigineux de possibilités, Breath of the Wild est une ode à l’expérimentation et à l’exploration. Le producteur de la série, Eiji Aonuma, avait déjà l’idée d’un monde ouvert en créant The Legend of Zelda : The Wind Waker sur Gamecube, mais il a finalement dû attendre plusieurs longues années pour concrétiser ce désir. Rendez-vous compte, pour la taille de la carte du jeu, les développeurs ont décidé de prendre comme référence la ville de Kyoto. En d’autres termes, Breath of the Wild est 12 fois plus grand que Twilight Princess sorti sur Wii et Gamecube.
Il faudrait un roman pour raconter les coulisses de The Legend of Zelda : Breath of the Wild et de sa suite, Tears of the Kingdom, mais nous pouvons faire confiance à Nintendo pour nous proposer des expériences tout aussi marquantes sur Nintendo Switch 2. Alors que la sortie de la nouvelle console se rapproche à grands pas, il va sans dire que nous restons à l’affût d’un nouvel épisode de la série The Legend of Zelda sur cette machine. Nous laissons le mot de la fin à Eiji Aonuma : « Il aurait été impossible de créer un monde ouvert aussi vaste sans tous nos collaborateurs. Sans jouer au jeu, il était difficile de savoir qui faisait quoi dans le monde alors que nous franchissions une étape importante du développement, nous nous arrêtions pour tous jouer ensemble. Nous en profitions pour tester tout ce que nous avions créé jusque-là. Mais évidemment, le temps était limité. C’était dur de prendre une semaine sur le planning pour pouvoir jouer, mais finalement, nous avons raccourci la durée du développement en prenant le temps pour ces sessions de jeu. Au début, nous n’avons pas bien anticipé le planning du jeu et nous avons dû repousser sa sortie, mais finalement, ce fut bénéfique d’adopter cette approche. Nous avons utilisé ce temps en plus pour créer un super jeu qui s’est amélioré au fur et à mesure que nous le décortiquions ensemble. »