Nintendo Switch : la déception de trop pour Nintendo ?

La Nintendo Switch s'est enfin officiellement présentée lors de l'événement d'aujourd'hui à 5 heures du matin. L'occasion de découvrir les jeux annoncés, les capacités de la console et les petits détails l'entourant. Sauf que toutes ces annonces en auront calmé plus d'un, entre une autonomie rachitique et une liste de jeux de lancement famélique… La déception de trop pour Nintendo ?

Joueurs comme curieux attendaient cette journée avec impatience : ce matin, nous découvrions enfin la Nintendo Switch dans sa forme finale. Loin d'un simple trailer, c'est une avalanche d'informations sur la console et ses jeux qui nous est enfin arrivée.

Toutefois, la hype retombe petit à petit et les joueurs voient leur enthousiasme s'endormir quand leur esprit critique se réveille. L'annonce de la sortie de la Switch le 3 mars à 329.99€ en Europe en aura calmé beaucoup dans un premier temps.

Mais surtout, les détails concernant la sortie de la console et son utilisation cachent de mauvaises nouvelles, qui auront tendance à rappeler une console maudite chez Nintendo… De quoi se demander si la Switch ne serait finalement pas la déception de trop.

Nintendo Switch : le rêve

Rappelons avant tout le concept de la console : il s'agit à bien des égards d'une tablette classique disposant d'un écran 6,2 pouces capacitif multipoint, d'un processeur custom Nvidia Tegra (dont les capacités n'ont pas encore été communiquées) et de deux slots sur les côtés permettant d'y insérer les “Joy Con”.

Ces “Joy Con” sont une manette scindée en deux, ressemblant à de nombreux accessoires mobiles, qui peuvent être utilisés en couple (manette complète) ou séparément pour jouer à plusieurs directement sur la tablette en 720p.

Mais elle n'est pas limitée à une utilisation mobile, puisqu'un dock se branchant à votre TV permet à la console de prendre possession de toute la puissance de sa puce, un système de refroidissement actif supplémentaire lui permettant de meilleures performances et un affichage en 1080p sur votre télévision.

Lors du premier teaser pour la console, nous découvrions la possibilité de jouer à plusieurs même en mobilité autant que de brefs aperçus de nouveaux jeux sur la console (nouveau Mario par exemple) comme des portages de titres indémodables (Mario Kart 8).

La froide réalité : une autonomie décevante

Aujourd'hui, la majorité des questions accompagnant l'enthousiasme qu'a créé ce premier trailer ont enfin eu leur réponse. A commencer par l'autonomie de la console : Nintendo annonce officiellement jusqu'à 6h30 d'autonomie selon le jeu, et donne en exemple le dernier Zelda qui fait baisser la durée de vie de la console à environ 3 heures.

Traduisons donc : en jouant à des jeux NES/SNES sur votre Nintendo Switch, ou des jeux indépendants peu gourmands en ressources, celle-ci tiendra jusqu'à 6 heures. Si vous jouez par contre à des jeux Switch, comptez 2h30 en utilisation normale.

On comprend mieux pourquoi la console est avant tout présentée comme une console de salon. Mais soyez honnêtes : à la vue des titres tournant sur celle-ci, il aurait été miraculeux de dépasser ces chiffres.

La déception autour de la batterie de la Nintendo Switch n'est donc pas tant liée aux capacités matérielles de celle-ci qu'à l'enthousiasme un peu trop poussé de ses fans en regardant le premier trailer. L'appareil est plus désigné pour être utilisé au même titre que la mablette Wii U qu'une véritable console portable comme la 3DS.

Un déjà-vu donnant peine à faire confiance

Le problème de la console est tout autre. Suite à cette annonce, c'est l'impression de déjà-vu qu'elle nous laisse qui tend à nous rendre sceptique : à bien des égards, son lancement semble ressembler à celui de la Wii U, qui pour rappel n'a vendu qu'environ 12,6 millions d'unités dans le monde (chiffres de début 2016). Un fiasco.

Le prix tout d'abord : à 349,99€, prix recommandé ne prenant pas en compte les offres, elle se place bien plus cher que les propositions actuelles de ses concurrents. La PS4 Slim et la Xbox One S sont toutes deux vendues à 300€.

La situation est analogue à la sortie de la Wii U, qui disposait du même prix d'appel dans les mêmes conditions sur le marché. Et nous savons tous ce qui est arrivé à la console : après des ventes au lancement satisfaisantes, celle-ci n'a jamais véritablement décollé et est devenue un appareil que seuls les plus grands fans de la marque ont acquis.

La promesse d'une nouvelle façon de jouer est toujours là, bien qu'elle ne provienne plus du gameplay mais du principe d'utilisation. La Nintendo Switch est loin d'avoir menti sur ses capacités, et la communication est toutefois beaucoup plus claire cette fois-ci. On peut donc toujours avoir espoir que l'idée d'une console de salon transformable résonne un peu plus avec le grand public.

Où sont les jeux de lancement

Le problème ne vient pas tant de la console que de la multitude de jeux annoncés pour la Switch. On connaissait déjà Zelda depuis de nombreux mois, qui sortira par ailleurs également sur Wii U dès le 3 mars, et Mario Odyssey et Splatoon 2 sont des titres en vogue qui attirent facilement l'oeil.

Mais le line-up de la console est au mieux famélique. La liste européenne n'a pas encore été officiellement dévoilée, mais les annonces japonaises et américaines mélangées nous permettent d'établir les jeux qui sont prêts à tourner sur l'appareil au lancement :

Ces titres sont bien loin de manquer d'intérêt… mais sont pour la plupart déjà disponibles sur des consoles aujourd'hui moins chères (Setsuna, Disgaea 5, DQ Heroes etc). Le grand titre de Nintendo qui propulsera la console ne sera autre que Zelda, qui n'est pas même exclusif à cette console.

Le line-up de toutes les consoles du monde n'est jamais très brillant, mais celui-ci est exaspérant. Problème étant que les grands titres exclusifs attendus sur la plateforme ne seront pas là de si tôt : Mario Kart 8 Deluxe, version GOTY de MK8 sur Wii U, ne sortira que le 28 avril. Splatoon 2 n'est annoncé qu'à un vague “été 2017”, quand Super Mario Odyssey est tablé pour “hiver 2017” sans plus de précision.

Une relation toujours étrange avec les éditeurs tiers

Le reste des annonces de jeux faites aujourd'hui est si vague qu'il ne permet pas d'avoir une seule seconde confiance en la plateforme. EA a dévoilé son intention de porter FIFA sur la plateforme, sans plus de détails.

Bethesda et 2K ont promis NBA 2K18 et Skyrim en fin d'année, deux jeux disponibles depuis bien longtemps sur la concurrence. Ce fait est bien trop présent pour être ignoré sur cette première année de jeux annoncés sur la Switch.

Le pire exemple restera peut-être Ubisoft, qui n'a pour le moment dévoilé que 3 jeux : Rayman Legends, qui devait être une exclusivité Wii U à l'époque avant de se voir porter sur toutes les plateformes possibles et imaginables, est peut-être l'annonce la plus risible de l'ensemble.

A cela s'ajoute Just Dance, dans la même veine pour le grand public et jouable sur smartphone. Et enfin Steep, un jeu qui n'a pas rencontré un succès énorme sur PS4/Xbox One et dont le portage Switch peut être cyniquement vu comme une tentative de maximiser le retour sur investissement. Quand on sait que l'éditeur aime apporter son soutien à des concepts innovants et avait proposé ZombiU une génération plus tôt… c'est décevant.

Rappelez-vous que plus de 50 millions de PS4 ont été vendues dans le monde en date, pour la moitié environ de Xbox One. Qui dépensera 349€ pour une console dont le line-up consiste à 3 quarts de jeux déjà disponibles sur leur console ?

La situation fut la même sur Wii U, qui promettait un retour des titres AAA mais dont les portages inspirés plus de confiance de la part des éditeurs tiers : Mass Effect, Assassin's Creed, Batman étaient des grands noms de l'époque, quand la Switch se retrouve avec des titres souvent de niche ou déjà poncés maintes et maintes fois par les joueurs, rendant l'effort plus timide que véritablement impactant.

Bref, on espère un E3 flamboyant pour regagner en intérêt sur la console, qui à sa sortie paraîtra déjà dépassée avec un tel line-up. Tout n'est pas perdu évidemment, la rumeur d'un jeu Mario RPG x Lapins Crétins ne s'étant toujours pas vérifiée.

Les déboires habituels de Nintendo s'accumulent

Nintendo semble enfin comprendre un minimum les attentes de ses joueurs, même les plus hardcores, avec cette Nintendo Switch. Notons ainsi que les codes amis sont enfin abandonnés au profit d'un système de compte, procure le partage de captures photo et vidéo en ligne, tandis que la console est dézonée par défaut.

Mais le développeur a aussi toujours eu un positionnement étrange qui se voit une nouvelle fois aujourd'hui. La nouvelle du dézonage a été accompagnée par une clarification par exemple : celle-ci l'est par défaut, mais le zoning peut être activé par les éditeurs au cas par cas comme sur Xbox 360 par exemple, rendant l'annonce moins attrayante.

La fin des codes amis est une bonne nouvelle, mais le jeu en ligne ne va pas nécessairement se simplifier : il sera temporairement gratuit avant de passer à un abonnement payant, et la console ne disposera pas d'un système de chat intégré. Il faudra payer une application smartphone pour pouvoir discuter avec vos amis en ligne.

En annonçant tout cela, Nintendo n'a pas pris la peine d'expliciter son message faisant que le doute règne toujours : la console a-t-elle la moindre fonctionnalité en ligne intégrée, ou tout est déporté sur cette application payante ? Le mystère reste pour le moment entier.

La plus grande claque proviendra de sa politique tarifaire sur les accessoires de la Nintendo Switch : la manette pro sera facturée 70$, un dock TV supplémentaire 90$… la plus grande blague provient des Joy Con, vendus 80$ en paire ou 50$ seuls, leur support (un morceau de plastique dans lesquelles les glisser) 30$.

La grande force des titres Nintendo résidant toujours dans le multi local, la facture sera salée pour quiconque voudra jouer à 4 voire 8 en LAN comme possible avec la Switch. On se rassurera en pensant au fait que la console dispose de base de 32 go de stockage, et que celle-ci est extensible via simples cartes micro SD.

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Nintendo se bat avec Sony et Microsoft, qu'on l'admette ou non

Nous avons ainsi vu que la situation semble être la même pour la Switch que la Wii U en son temps, à ceci près que certains détails paraissent même pires pour la petite dernière. Mais ces arguments de prix et de jeux étant vus en comparaison avec Sony et Microsoft, un argument sera sûr de revenir dans le moindre débat.

“Nintendo ne joue pas la course avec Sony et Microsoft”, cette déclaration revenant chaque fois que l'on parle du constructeur. Mais celle-ci est intrinsèquement fausse : bien que le constructeur ait abandonné la course aux graphismes, il n'en est pas moins en compétition avec ces adversaires.

La formule Nintendo a marché ces dernières années parce qu'elle se compare à celle de ses opposants. Jugées difficiles à comprendre pour le grand public, les PS3 et Xbox 360 de notre monde n'ont pas su conquérir le marché autant que la Wii, chouchou du grand public.

Nintendo ne joue pas la course à la puissance, mais la perspective et la préhension facilitée. Cette tactique n'existe pas sans ses concurrents, faisant qu'il est bien en compétition avec ceux-ci : seule la philosophie change.

Et sur cette perspective, la Nintendo Switch n'est pas équipée pour lutter. Le passage d'une console de salon à une console portable n'est pas un argument d'accessibilité : c'est un argument technologique, qui peut ne pas résonner avec la masse de ce fait.

Plus encore, son offre de jeu manque cruellement d'innovation ne parlant pas qu'aux joueurs déjà acquis : la perspective d'un Zelda à monde ouvert n'est bonne que pour ceux qui ont connu les Zelda d'avant, connaissent les mondes ouverts d'aujourd'hui, et peuvent appréhender avec enthousiasme ce changement de gameplay.

Qui plus est, les nouvelles générations n'ont pas la même nostalgie pour la marque et les titres Nintendo qu'auparavant : rappelons-nous que la première console de la génération actuelle a plus de chance d'être une PlayStation qu'une NES désormais. Mais Nintendo n'a pas joué la carte de la nostalgie sur cette présentation, qui est pourtant l'un de ses atouts majeurs désormais.

La première année doit être la bonne

Celui-ci pourrait aisément le faire dans sa stratégie de communication à long terme. Problème étant qu'à deux mois de la sortie de la console, son message actuel n'est pas assez convaincant pour éviter la même situation que la Wii U à son heure.

Prenez en compte que la sortie d'une console et sa première année d'existence donnent un indicateur aussi bien à la marque qu'à ses partenaires de son succès présumé dans le temps. Un lancement réussi donne confiance dans l'investissement sur une plateforme, alors que nos jeux demandent des millions de dollars pour être financés désormais.

La première année donne quant à elle les attentes des joueurs sur la plateforme, poussant son orientation d'un côté ou de l'autre. C'est ce qui est arrivé à la Wii U : les titres Nintendo ont été parmi les seuls à fonctionner, les éditeurs tiers l'ont donc rapidement abandonnée.

Mais ce fut également le cas de la PS Vita : les ventes à son lancement étaient correctes, mais sa première année de jeu (CoD Declassified, Resistance) n'a pas assez convaincu les joueurs qui se sont retranchés sur les développeurs indés et les titres japonais. Aujourd'hui, la console portable de Sony ne connaît plus que ça.

A la sortie de la Nintendo Switch, contenter la niche Nintendo semble impossible : The Legend of Zelda sera le seul titre majeur du développeur sur la console, mais sortira également sur Wii U où celle-ci est déjà présente. Mario Kart 8, disponible 1 mois et demi plus tard, fait partie du même ordre de pensée.

Reste alors Splatoon 2 et Super Mario Odyssey comme fers de lance, les autres titres annoncés étant encore trop vagues pour être assurés pour une sortie en 2017 : cela suffirait-il à convaincre aussi bien le grand public que les 12,6 millions de joueurs Wii U dans le monde ? La Switch resterait un produit de niche pour les fans.

C'est en quoi la Nintendo Switch pourrait être la prochaine déception du constructeur japonais. Mais la qualité de ses titres et les nombreux talents de son entreprise peuvent bien vite renverser la tendance que l'on subodore : espérons donc qu'ils sauront faire mentir cet a priori.

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