Perquisitions chez Google : dans les coulisses de l’ultra secrète “opération tulipe”
La semaine dernière nous apprenions qu’une perquisition était en cours au siège de Google France. Les raisons de cette intervention sont restées floues jusqu’à aujourd’hui. Le géant fait l’objet d’une enquête secrète pour fraude fiscale : l’opération tulipe. Découvrez les coulisses.
Le 24 Mai dernier, des magistrats du Parquet National Français assistés de policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (Oclciff) ainsi que d’experts en informatique ont mené des perquisitions au siège de Google France, à Paris.
A l’origine de cette intervention, une enquête menée par Eliane Houlette, chef du Parquet National Français (PNF). Un dossier traité “hors connexion” pour une opération ultra secrète à la “confidentialité parfaite”. Son nom de code : opération tulipe.
Un peu le combat de David contre Goliath
Le 16 Juin 2015, une enquête préliminaire était ouverte après une plainte de l’administration fiscale à l’encontre de Google. Une opération osée, la firme de Mountain View étant l’entreprise la plus puissante au monde. Un projet de grande envergure donc, qui allait nécessiter du temps, beaucoup de moyen, et surtout une très grande discrétion. “Big brother is watching you”.
C’était la grande opération du PNF (Google étant) la plus grande entreprise en termes de capitalisation au monde. Un peu le combat de David contre Goliath. – Procureur de la République –
Pour agir dans l'ombre, le PNF a d’abord choisi un nom de code pour son enquête : l’opération tulipe. Pour ne pas être pistés par Google, les enquêteurs ont travaillé exclusivement hors ligne, sans connexion internet, sur des logiciels de traitement de texte utilisables hors ligne, sur papier, par courrier, pas d’email. Eliane Houlette, chef du PNF explique :
(La plainte a été) traitée en totale confidentialité, compte tenu de l’activité de cette société. Pour assurer cette confidentialité parfaite, nous avons décidé de donner un autre (à l’opération), Tulipe, de ne jamais prononcer le nom Google. Nous avons travaillé ce dossier uniquement hors réseau, hors connexion (…) pendant presque un an, avec un ordinateur mais uniquement en traitement de texte.
Au total, lors de la perquisition, près d’une centaine de personnes ont pu collecter une masse “considérable” de données informatiques. Le procureur national financier a expliqué lors du programme le “Grand Rendez-vous” sur Europe 1, iTélé et Le Monde que “plusieurs téra-octets” avaient été récupérés. Il estime que les autorités ont récupéré “au moins autant que Panama Papers, peut-être même plus”.
Plusieurs mois encore d’enquête pour 1,6 milliards d’euros
Selon la chef du PNF, l’enquête va encore durer “plusieurs mois”. Elle “espère que ce ne sera pas plusieurs années” tant l’exploitation des données récupérées va prendre du temps. Si vous avez suivi l’affaire des Panama Papers, alors vous savez qu’il a fallu plusieurs années à des journalistes du monde entier pour exploiter les données récupérées.
Eliane Houlette regrette que ses enquêteurs de disposent pas de “logiciels extrêmement performants” pour aller “beaucoup plus vite”. Mais cela ne l’empêche pas de vouloir aller au bout de l’enquête. Cela prendra le temps nécessaire mais un procès est souhaité.
Dès lors que nous engageons des enquêtes nous souhaitons qu’elles arrivent à leur terme et que les personnes bénéficients d’un procès (pour) faire valoir leurs arguments et nous les nôtres. – Eliane Houlette, chef du PNF –
Pour rappel, le fisc français réclame 1,6 milliards d’euros d’arriérés d’impôts à Google France qui est une succursale de Google Ireland Ltd. Google procèderait à des manipulations financières (toutefois légales) pour réduire son imposition en France, l’Irlande étant un paradis fiscal européen.
Cela fait plusieurs années que le ministère de l’économie a Google dans le collimateur. Les autorités sont passées à l’action. Et si certains doutent de l’efficacité potentielle d’une telle action, souvenez-vous du succès des autorités italiennes il y a peu. Apple avait été condamné pour la première fois en Europe pour les mêmes raisons.
De son côté, Google France réagit sereinement. Le porte-parole de l’entreprise a assuré juste après les perquisitions au siège à Paris que Google coopèrerait avec les autorités :
Nous respections la législation française et coopérons pleinement avec les autorités pour répondre à leurs questions.