Pourquoi la domination de Samsung est mauvaise pour Android
Ce n'est un secret pour personne : le numéro 1 des mobiles depuis des années déjà n'est autre que Samsung, le constructeur coréen qui a la main mise sur l'entrée, le milieu et le haut de gamme pour de nombreux consommateurs. On s'y est fait, mais cela est-il vraiment bénéfique pour nous, les consommateurs ? Dans ce dossier, nous argumenterons que sa domination est finalement nocive.
Cela fait une dizaine d'années maintenant que nous sommes habitués à un appareil tout de même assez jeune : le smartphone. Celui-ci a réussi à entrer dans nos habitudes de consommation et de divertissement à une vitesse ahurissante, témoin de son utilisé au quotidien.
Toutefois, ce marché si particulier a toujours été ancré d'une teinte étrange : celle d'Apple, qui il y a 10 ans sortait le premier iPhone, puis Samsung qui fut le représentant le plus plébiscité d'Android. De nos jours, le marché stagne et ses 2 premières places leur sont acquises.
Bien que la domination d'Apple soit naturelle, étant le seul à proposer iOS en exclusivité, celle de Samsung fait débat. Il n'est après tout qu'un représentant parmi une multitude d'offres de nombreux constructeurs dans l'univers Android.
Et si la place accordée à Samsung dans ce paysage était finalement nocive pour l'industrie et le consommateur ? Dans ce dossier, nous nous évertuerons à comprendre pourquoi une telle domination est mauvaise au global.
Débuts relativement modestes
Attardons-nous tout d'abord à voir la place prise par Samsung sur le marché des smartphones. Notons avant toute chose que le géant était déjà extrêmement présent sur le mobile auparavant, et très bien représenté puisqu'il est devenu le numéro 1 des ventes aux Etats-Unis dès 2008.
Pourtant, ce n'est qu'en 2009 que celui-ci sortirait son premier appareil tournant sous Android : le Samsung Galaxy. Oui, Galaxy, tout court. Le constructeur tentait ainsi de tacler l'iPhone, qui existait depuis 2007 mais n'a véritablement connu un succès massif qu'à partir de l'iPhone 3G en 2008.
Auparavant, le géant coréen a tenté d'imposer ses propres systèmes d'exploitation sans succès. C'est en passant à Android qu'il connaîtra un véritable essor sur le marché, avec des appareils réussis mais empruntant énormément à son concurrent.
C'est de là que provient l'idée que la marque est une “copie chinoise” de l'iPhone, un trait qui s'atténue d'année en année mais reste dans l'imaginaire collectif. Il faut dire que Samsung n'a pas brillé par son originalité durant cette période, se contentant généralement de répondre coup sur coup aux innovations proposées par Apple.
Carton plein sur les technologies
Le constructeur a particulièrement brillé sur cette industrie grâce aux technologies qu'il a apportées. Le Galaxy S fut le premier à démontrer l'intérêt des écrans Super AMOLED, quand le Galaxy S2 l'a popularisé et est devenu un carton plein grâce à sa fiche technique supérieure pour l'époque et son prix relativement abordable.
Depuis, Samsung a multiplié sa présence sur l'univers smartphone en fournissant des écrans, des batteries, des puces RAM et même des processeurs désormais. Rares sont les avenues n'étant pas arpentées par la marque, rares sont les appareils n'ayant pas de lien direct ou indirect avec le constructeur.
Grâce à cela, il a pu trouver sa propre identité sur le marché qui s'est particulièrement concrétisé grâce aux Galaxy S6 et S6 Edge. L'écran incurvé est devenu une signature de la marque, tout autant que son design qui s'est enfin éloigné de son concurrent de toujours.
Dans l'ensemble, Samsung est un constructeur de qualité, presque infaillible bien que le Galaxy Note 7 mette en péril ce constat. Il l'a prouvé sur de longues années, et continuera très probablement de le faire sur les années à venir.
La confiance règne
Pourquoi dire que sa domination est nocive au marché ? Difficile de penser cela après avoir passé succinctement en revue son passé. Et pourtant, c'est bien le cas pour une raison très simple : Android est devenu Samsung, et Samsung est devenu Android.
Grâce à ses nombreux efforts, la marque est devenue le fer de lance de l'univers Android. Un fait que l'on ne conspuera pas, mais qui a eu pour effet de rendre le grand public imperméable aux alternatives. Pour beaucoup, “un Samsung” est utilisé pour nommer un smartphone au même titre que “une Nintendo” l'est pour une console (ou “une PlayStation” pour les plus jeunes).
C'est le pouvoir d'un monopole que d'arriver à imposer une marque en lieu et place d'un produit, comme on appelle “kleenex” un simple mouchoir : une appropriation telle qu'elle éclipse le moindre concurrent pour le grand public.
Et cela se ressent chez les revendeurs : même à prix équivalent, il sera difficile de conseiller un appareil d'une marque moins connue malgré une fiche technique supérieure, puisqu'un rapport de confiance automatique s'est créé pendant des années avec le géant Samsung.
La rançon de la gloire
C'est bien normal nous dira-t-on alors, Samsung ne fait après tout que tirer profit du succès qu'il a construit sur plusieurs années. Et à bien des égards, c'est le cas. A ceci près qu'il n'est pas présent que sur le haut de gamme, ce qui change énormément la donne.
Le constructeur inonde le marché sur de nombreuses gammes, des smartphones pourtant “anciens” en termes de fiche technique et de puissance brute sont toujours présents sur les rayonnages et vendus chaque jour. Pourtant, sa concurrence offre des appareils bien meilleurs au même prix, mais qui n'ont pas ce pouvoir sur les masses.
Le milieu de gamme est probablement le terrain le plus chamboulé par les constructeurs chinois sur ces dernières années, mais là encore Samsung profite de son image pour vendre des appareils moins puissants à prix équivalent.
Le grand public, moins informé que notre lectorat bien sûr, n'y voit que du feu en faisant confiance au grand nom pour lui offrir les meilleures capacités au tarif donné. Ce qui n'est pas nécessairement le cas, Samsung vendant désormais bien plus son design que ses performances.
Le tout participe à ternir automatiquement la concurrence sur de nombreux secteurs, quand la marque coréenne domine déjà sur le haut de gamme. L'image de ses Galaxy S retombe sur ses Galaxy A, J, E et autres lettres de l'alphabet pour former une armée presque imprenable malgré des armes toujours plus lourdes en face d'eux.
Une communication imprenable
Tout cela est majoritairement dû à un cercle vertueux que Samsung a su mettre en place : ses téléphones se vendent par millions, engrangeant un retour massif sur investissement pour la marque qui en réinjecte une bonne partie sur sa communication, poussant les ventes une nouvelle fois.
Ils l'ont eux-mêmes confié : s'ils attaquent Apple, c'est parce qu'il s'agit de la bonne chose à faire. Et en effet : le fantasme autour des appareils créés par Steve Jobs est toujours présent 10 ans après, et sa politique tarifaire également.
Cela fait que beaucoup rêvent d'iPhone, mais n'en ont pas les moyens. C'est en se plaçant et en construisant sur ce terrain depuis des années que Samsung a réussi à conquérir le marché, passant d'une politique tarifaire plus souple à une politique de gamme plus large faisant remonter l'ensemble naturellement.
Problème étant que rares sont ceux ayant les moyens de détruire ce cercle vertueux devenu vicieux pour la concurrence. Arriver à intégrer ou détruire la boucle demande un investissement colossal dans sa communication que ne peuvent pas nécessairement assumer ses rivaux.
Actuellement, on remarque surtout que ses concurrents sont obligés de viser des tranches bien précises de la population pour connaître le moindre succès. Si la marque Honor, et Huawei à ses côtés, s'en sort actuellement, c'est grâce à une communication basée avant toute chose sur une tranche jeune de la population. Il n'a donc pas la force du message englobant de Samsung.
Samsung n'aime pas jouer avec les autres
Une domination dans la mentalité générale, une communication parfaite et une concurrence asphyxiée, certes. Mais Samsung n'est pas là par hasard, pourquoi donc lui reprocher ? Tout simplement parce qu'il ne respecte pas nécessairement l'ouverture du système Android, ce qui entache son évolution.
La beauté d'Android est que le système grandi pour tous, faisant que les innovations logicielles du système finissent toujours par atteindre le moindre appareil utilisant l'OS. Samsung a contribué à cela avec le mode multi-fenêtre par exemple, désormais intégré à Android 7.0 Nougat.
Problème étant qu'il est aussi l'acteur le moins enclin au partage du marché, et l'a prouvé maintes et maintes fois. Sa réticence à utiliser Android de ses débuts se retrouve dès que le moindre service innovant sort : un assistant vocal pour toute la plateforme ? Samsung utilisera S Voice. Un OS dédié aux montres ? Samsung utilisera Tizen sur sa Galaxy Gear S3.
Aujourd'hui dans l'ère de l'intelligence artificielle, le constructeur veut toujours imposer son propre assistant plutôt que de faire grandir une base commune. Et c'est un danger qui ne peut être ignoré : étant numéro 1 des smartphones, il pourrait du jour au lendemain décider d'abandonner Android pour son propre OS.
Il l'a déjà tenté, mais n'était pas aussi dominant sur le marché. Désormais, il a bien trop de clefs en main pour ne pas être vu comme une menace, et montre année après année que son indépendance lui tient plus à coeur que de faire grandir le marché entier grâce à une technologie ouverte à tous. Non : Samsung veut s'imposer jusqu'à ce que toute concurrence soit tue.
Vers un modèle unique
Et à bien des égards, il est devenu désormais l'Apple de l'univers Android. Mais là où il faisait sens de “copier” un concurrent n'utilisant pas sa base commune, pour offrir une alternative, le cas Samsung est unique dans cet univers bien précis.
En forçant une direction sur un écosystème, il pousse bien moins une alternative qu'une uniformisation de la plateforme entière. Or, le meilleur atout d'Android est d'être une plateforme partagée, libre et modifiable à souhait : la dernière chose que l'on voudrait est qu'elle devienne iOS.
Mais on voit déjà les stigmates de la domination de Samsung se former sur le marché, alors que son design à écran incurvé se fait copier à son tour par ses concurrents. Le tout ne pousse pas à la diversité, mais une nouvelle fois à l'uniformisation de ce qu'est un smartphone ; ou plutôt, un “Samsung” pour le grand public.
Le danger est là, mais les tentatives de le contrer n'ont pas été fructueuses en 2016. Pour arriver à renverser le géant, ses concurrents que sont LG et Motorola ont fait le pari de pousser l'innovation sur le marché en proposant les premiers smartphones véritablement modulaires.
Vous le savez déjà : le marché n'y a absolument pas répondu, creusant les finances de LG comme jamais qui va donc abandonner cela avec le G6. Espérons que celui-ci n'aille pas encore plus loin en proposant un écran incurvé, signe annonciateur d'un possible mal futur.
N'oubliez toutefois pas que c'est une vision des choses, et un angle pris : à bien des égards, Samsung a également été positif pour l'univers Android.