Présidentielle 2017 : comparatif des programmes des 11 candidats sur le numérique
Le numérique prend aujourd’hui une part importante dans nos vies sociales. Nombreux sont ceux qui voient dans la révolution numérique une marque de progrès et nombreux sont ceux qui mettent l’accent sur ses dangers. Dans le cadre de la présidentielle 2017, ce sujet est au coeur des débats pour penser l’avenir de nos sociétés contemporaines. Nous avons scrutés les propositions des 11 candidats et nous tentons de vous en donner un panorama comparatif simplifié.
François Fillon (Les Républicains) : “libérer l’innovation” et simplifier l’administration
L’objectif principal pour François Fillon est de construire « une véritable souveraineté numérique européenne » via des appels à projets européens dans l’IA et la blockchain et, le cas échéant, avec des dérogations aux règles de la commande publique en cas d’enjeux pour la cybersécurité et l’autonomie stratégique.
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Au niveau européen, le candidat souhaite créer, progressivement, un écosystème franco-allemand puis européen de financement de l’innovation avec un fonds souverain, une BPI et un « NASDAQ » franco-allemand. François Fillon veut renégocier le Privacy Shield et le Règlement européen sur les Données Personnelles (RGPD).
En matière d’économie nationale, François Fillon veut mener des états généraux de l’économie et de l’innovation, aboutissant à un plan stratégique d’accompagnement des PME/PMI pour leur transformation numérique. Il prévoit une refonte du compte entrepreneur-investisseur par le développement d’actions gratuites et de stock-option pour les salariés.
En matière d’éducation, il souhaite transformer le cours de technologie au collège en cours de « culture numérique », recruter des professeurs en informatique et introduire un module numérique dans toutes les formations supérieures.
Sur le sujet de la santé, François Fillon veut faciliter le déploiement des objets connectés de santé, déployer l’IA et le Big Data et simplifier le parcours de soins.
Enfin, le candidat du parti Les Républicains envisage une dématérialisation de l’ensemble des procédures administratives à l’horizon 2022 avec la création d’un identifiant numérique unique et un refinancement du Plan Très Haut Débit pour accélérer le déploiement de la fibre.
Marine Le Pen (Front National) : des grandes orientations
Marine Le Pen, la candidate du Front National, a, elle, décidé de se concentrer sur la protection des données personnelles, le financement de l’innovation et la culture.
Sur la protection des données personnelles, Marine Le Pen propose une « charte à valeur constitutionnelle » incluant cette dimension et obliger les entreprises à stocker les données de leurs clients sur les serveurs localisés en France.
Niveau économique, un nouveau Secrétariat d’Etat, rattaché au ministère des Finances, consacré aux mutations économiques et pour anticiper les évolutions du travail serait créé. La candidate souhaite aussi une nouvelle régulation pour préserver une concurrence loyale. En terme d’innovation, il serait interdit à une entreprise recevant des aides publiques de se vendre à une société étrangère pendant 10 ans. L’augmentation du budget public de la recherche à hauteur de 30 % est proposée.
En matière de santé, Marine Le Pen souhaite moderniser le système grâce aux start-up et fusionner la carte vitale biométrique avec la carte nationale d’identité pour lutter contre la fraude.
Sur le réseau, la candidate FN veut soutenir l’investissement dans le très haut débit, supprimer Hadopi et « ouvrir le chantier de la licence globale »
François Asselineau (Union Populaire et Républicaine) : protectionnisme et lutte contre l’ubérisation
François Asselineau, le candidat de l’Union Populaire et Républicaine, assume son opposition à l’ubérisation et promeut un un web protectionniste.
Premièrement, dans sa lutte contre l’ubérisation, François Asselineau abrogera les lois Macron et El Khomri et assurera la protection du statut du salariat et du statut des professions règlementées (avocats, médecins…).
Sur les données personnelles, le candidat UPR entend conférer la propriété de ses données à l’utilisateur, interdire les dispositifs de surveillance massive et assurer la promotion des opérateurs et hébergeurs alternatifs aux GAFA. Il formule également la proposition d’interdire le stockage de données de ressortissants français à l’étranger. Il souhaite aussi généraliser le logiciel libre dans les administrations et la création d’un réseau chiffré national pour le transfert des données de santé.
Pour Internet, « un droit universel à l’Internet et à l’information » sera consacré ; l’anonymat sur Internet et la neutralité du Net seront garantis.
En matière économique, la renationalisation de TF1 et Orange sera effectuée. Des états généraux de la formation et de l’aide à l’innovation pour les PME/TPE seront lancés et les circuits courts seront favorisés pour l’agriculture.
Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République – Debout la France) : souveraineté numérique
Nicolas Dupont-Aignan, le candidat issu du mouvement DLR-DLF, a axé lui aussi le numérique sur le terrain de la souveraineté.
Sur le plan des données, Nicolas Dupont-Aignan propose la création de l’équivalent francophone des GAFA et des réseaux francophones. L’hébergement des données des français serait localisé en France. À cela s’ajoute la généralisation des logiciels libres et souverains pour se prémunir contre l’espionnage étranger. Il entend numériser le patrimoine sur une plateforme où tous les contenus publics seraient regroupés et créer une médiathèque universelle à laquelle chaque citoyen aurait accès et financée par une « contribution forfaitaire mensuelle sur chaque abonnement Internet ».
Au niveau du réseau, le candidat veut lancer une « OPA amicale » sur Nokia-Alcatel afin de créer un « champion numérique français ». Il ajoute à cela le développement du télétravail, la fin des zones blanches et l’accélération du très haut débit pour tous. Nicolas Dupont-Aignan souhaite lui aussi supprimer Hadopi et légaliser le téléchargement pour un accès universel aux oeuvres artistiques avec une rémunération des auteurs par une licence globale. Enfin, l’Etat redeviendrait majoritaire au capital d’Orange.
Emmanuel Macron (En Marche !) : 2 grandes priorités
Le candidat du mouvement En Marche! (EM!), Emmanuel Macron, a décidé de s’inscrire dans la continuité sur ce sujet et a défini 2 grandes priorités : amplifier la recherche et l’innovation, réformer le fonctionnement de l’Etat en inscrivant le digital et la révolution numérique dans la mise en oeuvre de l’action publique.
À cette fin, Emmanuel Macron souhaite atteindre l’objectif de 100% des démarches administratives en ligne en 2022, avec la création d’un « compte-citoyen » centralisant l’ensemble des droits sur une même plateforme. Il envisage d’utiliser 10 milliards d’euros sur le total de son plan d’investissement de 50 milliards d’euros.
Au niveau de la protection des internautes, il envisage, à l’échelle européenne, la renégociation du Privacy Shield et la création d’une Agence européenne pour la confiance numérique chargée de réguler les grandes plateformes numériques américaines. Il envisage également la création d’un « Netflix européen » sur le thème « Culture » ; nous avons cependant peu d’informations sur le développement de ce projet.
Aussi, prévoit-il la création d’un Fonds pour l’industrie et l’innovation de 10 milliards d’euros, financé par la vente d’actions dans les entreprises où l’Etat est actionnaire minoritaire. Emmanuel Macron veut également créer un Fonds européen de financement en capital-risque de 5 milliards d’euros pour les start-up.
Le candidat d’En Marche prévoit encore d’autres mesures comme : la mise en place d’un « service public numérique de la justice » pour les citoyens et leurs avocats et d’outils numériques pour l’aide à la décision des juges ; la création d’une « plateforme numérique collaborative » pour les personnes handicapées ; la poursuite du plan France Très Haut Débit (PFTHD) ; etc.
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Benoît Hamon (Parti Socialiste) : le numérique pour changer la vie et un futur désirable
Le candidat du Parti Socialiste (PS), Benoît Hamon a décidé d’axer sa campagne sur le progrès technologique comme facteur d’amélioration de la vie, le numérique comme levier pour résorber les inégalités.
Sa première mesure phare est la taxation des robots pour financer une Fonds de Transition Travail (FTT), dédié à la formation et au retour à l’emploi pour ceux dont le travail est effectué par une machine.
Sur le thème de l’économie, il est proposé que 3% du PIB soit dédié à la R&D et la création d’un Crédit innovation sociale. Une autre mesure concerne la monnaie alternative inter-entreprises pour leur permettre d’échanger des services sans modifier leurs trésoreries. Face à l’ubérisation de la société, il envisage la création d’un statut de l’actif pour assurer un niveau de protection sociale équivalent pour tous.
La mise en place d’une E-démocratie est envisagée. Elle consisterait à construire certaines lois avec les citoyens avec un budget participatif au niveau national.
Lui aussi souhaite garantir la loyauté des algorithmes et la neutralité du Net et mieux protéger les données personnelles.
D’autres propositions sont présentes comme le Plan « Hôpital digital 2022 », le soutien à l’entreprenariat culturel, la protection européenne des lanceurs d’alerte, etc.
Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise) : le continent numérique aux citoyens
Le candidat de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a pour projet de lutter contre l’ubérisation tout en profitant des opportunités offertes par le numérique. Il a axé ses propositions sur la protection contre les géants du numérique américains (Apple, Google, Facebook, Amazon…).
Jean-Luc Mélenchon propose la généralisation de l’Open Data et le développement de l’économie collaborative. D’un autre côté, il souhaite créer un standard « clair et lisible » de description des CGU pour informer plus intelligiblement les citoyens sur l’utilisation de leurs données personnelles par les plateformes. Aussi, entend-t-il supprimer le méga-fichier TES, lutter contre la surveillance généralisée des citoyens par l’Etat et soutenir le chiffrement.
Au niveau de l’administration publique, le candidat veut généraliser le logiciel libre pour les administrations et les établissements publics et mettre un terme aux contrats entre Microsoft et l’Etat dans l’éducation et la défense.
En terme de réseau, Jean-Luc Mélenchon entend couvrir le territoire en très haut débit à l’horizon 2022. On pourra noter également la suppression de la loi Hadopi et la création d’une plateforme publique d’offre légale en ligne de contenus culturels (films, musique, livres).
Enfin, le candidat de la France Insoumise souhaite lutter contre l’optimisation fiscale et les pratiques anti-concurentielles des géants américains du Net et protéger les lanceurs d’alerte (il offrira la nationalité française à Edward Snowden et Julian Assange).
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Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès) : axé services publics
Le candidat Jacques Cheminade, du mouvement Solidarité et Progrès, a aussi son imaginaire du monde de demain.
Jacques Cheminade prône la création d’une Autorité européenne du numérique, pour négocier avec les Etats-Unis le « partage de la valeur fiscale ». Il souhaite la désignation d’une « assemblée de 500 citoyens » tirés au sort avec des experts, chargés de porter une réflexion sur « l’appropriation citoyenne de la révolution numérique » et l’impact des technologies sur la société.
Dans le même ordre d’idées, le candidat envisage la création d’un grand service public du numérique fournissant, à tarifs règlementés, un accès universel au numérique “haut de gamme” sur l’ensemble du territoire ». France Télévisions se verrait chargée de la distribution gratuite sur internet de « contenus intelligents » via une plateforme éducative.
Enfin, le très haut débit serait généralisé avec la fin des zones blanches et les jeux vidéos violents bannis, par une interdiction ou une surtaxe systématique des contenus « avilissant la personne humaine ».
Jean Lassalle, Nathalie Artaud et Philippe Poutou : rien ou presque
Pour les 3 candidats qui restent, Jean Lassalle, Nathalie Artaud et Philippe Poutou, le numérique est une thématique quasiment absente de leurs campagnes. Ils y vont de quelques mesurettes. Pour Nathalie Artaud, candidate de Lutte Ouvrière (LO), il faut numériser les bibliothèques et les archives et mettre un accès Internet dans les bibliothèques de quartiers.
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S'agissant de Philippe Poutou, candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), seule l’abrogation de la loi Hadopi est à l’honneur. Quant à Jean Lassalle, candidat du mouvement Résistons!, il se contente de mentionner l’ouverture des données publiques et le développement du numérique dans les domaines de la santé et de l’éducation.