Refuser de donner le code de déverouillage de son smartphone à la police est une infraction
Refuser de fournir le code de déverrouillage de son smartphone à la police est désormais considéré comme une infraction, a tranché la Cour de cassation. Lors d'une arrestation, les forces de l'ordre peuvent donc exiger que l'individu interpellé communique le code permettant d'accéder aux données stockées sur l'appareil. La justice française estimera désormais que le code de déverrouillage est une clé de déchiffrement.
En avril 2019, un certain Malek B., 21 ans, échappait à la prison. Arrêté par des officiers de police, il avait refusé de donner le code de déverrouillage des 3 smartphones trouvés dans ses poches. Le jeune homme avait été inculpé pour “refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie”. Finalement, la cour d’appel de Paris avait estimé que la police ne peut pas obliger un individu à donner le code de son smartphone. Me Karim Morand-Lahouazi, avocat de Malek B., soulignait à l'époque : “le code de déverrouillage d’un portable ne peut pas être considéré comme une clé de déchiffrement d’un moyen de cryptologie”.
Quelques mois plus tard, la Cour de cassation rendait un jugement bien différent dans une affaire semblable. Les juges estimaient alors que refuser de fournir le code de déverrouillage de son smartphone à la police est illégal. La Cour affirmait que le droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer n'est pas bafoué dans la mesure où les données contenues par le téléphone auraient pu être obtenues par d'autres moyens.
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Un code de déverrouillage est une clé de déchiffrement, tranche la Cour de cassation
Comme le rapportent nos confrères de NextInpact, la Cour de cassation s'est récemment penchée sur le cas de Malek B. La Cour s'est opposée au jugement rendu par la cour d’appel de Paris en 2019. D'après les juges, le code de déverrouillage d'un smartphone peut être considéré comme une clé de déchiffrement d’un moyen de cryptologie. “La convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie contribue à la mise au clair des données qui ont été préalablement transformées, par tout matériel ou logiciel, dans le but de garantir la sécurité de leur stockage, et d’assurer ainsi notamment leur confidentialité” déclare la Cour de cassation.
Les juges de la Cour de cassation estiment donc qu'un prévenu ait obligé de fournir le code de déverrouillage de son smartphone “si il est équipé d’un moyen de cryptologie”. Concrètement, un lecteur d'empreintes, un système de reconnaissance faciale ou un verrouillage par code secret peut être considéré comme un système de cryptologie. Un code ne permet pas simplement de verrouiller l'écran tactile d'un appareil. Avec le code ou un système biométrique, l'utilisateur chiffre aussi toutes les données stockées sur son terminal. La plupart des smartphones sur le marché sont donc concernés par la législation.
Or, un texte de loi contraint les individus à fournir une clé de chiffrement qui permet d'accéder à un terminal ayant été utilisé dans la préparation d'un crime. “Toute personne ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, est tenue de remettre ladite convention aux autorités judiciaires” rappelle l'arrêté de la Cour de cassation. Dans ce cas-ci, il y a de forts soupçons que le prévenu ait utilisé les smartphones en sa possession pour organiser son trafic de drogue. Si le smartphone n'a pas été utilisé pour fomenter un crime ou un délit, il n'y a aucune raison que la police ne réclame le code de déverrouillage.
Sur son compte Twitter, Matthieu Audibert, doctorant en droit privé et sciences criminelles et officier de gendarmerie, revient sur les circonstances dans lesquels un officier de police peut désormais exiger un code de smartphone. Concrètement, un officier de police doit “matérialiser” la demande de code, probablement sous la forme d'une autorisation écrite. De même, il est obligé de préciser au prévenu que tout refus est infraction. Enfin, les forces de police seront amenées à justifier la demande du code de dévérouillage devant les tribunaux. Pour ça, des experts doivent prouver que le code de déverrouillage a effectivement permis de chiffrer les données accessibles sur le smartphone. Là encore, il doit exister un fort soupçon que les données contenues soient liées à un crime.
Source : NextInpact