Rester client SFR ou partir : trop, c’est trop ?

Faut-il rester client SFR ou partir chez un concurrent ? Alors que les déboires autour de la filiale d'Altice s'accumulent, nous revenons dans cette tribune sur la situation, explorons la concurrence des opérateurs, et plus largement la question, plus morale, de savoir s'il est souhaitable de voir les clients quitter SFR en masse. Et les conditions dans lesquelles ils pourraient sans doute durablement rester. 

sfr

SFR est la cible de plus de la moitié des plaintes en 2017, selon l'AFUTT (Association française des usagers des télécommunications) ; on constate d'ailleurs une augmentation de ces plaintes depuis 2015. Des chiffres alarmants, qui semblent directement liés au rachat de SFR par Altice.  Les reproches des clients envers SFR sont multiples. Autant sur le fixe que le mobile, les clients se plaignent de problèmes dans la facturation. Le pire, serait à l'étranger, où les mauvaises surprises sont fréquentes avec des hors forfaits parfois affolants.

Cela est dû en partie à cause de l'ambiguïté et la complexité des offres de l'opérateur qui a été entre autres condamné pour faire accepter des conditions écrites avec des caractères trop petits… de telle sorte que le client ne puisse les lire. Il y a aussi le problème de la vente dissimulée : des achats, options et abonnements que le client découvre sur sa facture.

En juin 2017, on vous parlait par exemple de l'option Privilège à 5 euros par mois imposée aux clients mobile. Les clients rapportent aussi des problèmes autour de la résiliation notamment en raison de frais inattendus ou de perte du numéro de téléphone alors que la loi oblige normalement les opérateurs à laisser les clients porter leur numéro chez un opérateur concurrent.

Alors aujourd'hui, c'est la goutte d'eau ; celle qui, tout du moins, a suscité cette tribune : on apprend qu'il n'y a plus que 40 conseillers clients après 1500 suppressions de postes. C'est à se demander si SFR ne fait pas pression sur ses clients pour qu'ils aillent chez la concurrence !

SFR paie la stratégie d'Altice et de Patrick Drahi

Le 15 novembre 2017 Patrick Drahi l'admettait d'ailleurs : “Il n'y a pas de raison (objective) pour expliquer le départ des clients, la seule raison, c'est que nous ne les traitons pas comme il faudrait”. Le PDG d'Altice aurait en fait, sans doute, pu faire le même commentaire… depuis le rachat de SFR par Altice, en 2014. Il est d'ailleurs croustillant de revenir en arrière pour se remémorer des polémiques entourant un rachat de SFR par ce qui n'est alors, encore, que Numericable.

On est sous François Hollande, et le “ministre du Redressement productif”, Arnaud de Montebourg, touchait sans doute du doigt le problème, en tout cas plus que l'on ne pouvait le penser : “Numericable a une holding au Luxembourg, son entreprise est cotée à la Bourse d'Amsterdam, sa participation personnelle est à Guernesey dans un paradis fiscal de Sa Majesté la reine d'Angleterre, et lui-même est résident suisse ! Il va falloir que M. Drahi rapatrie l'ensemble de ses possessions et biens à Paris, en France. Nous avons des questions fiscales à lui poser !”. Déjà un indice d'une logique de réduction de coûts et d'optimisations et pratiques à la limite de la légalité ?

A l'époque, le gouvernement avait sa préférence pour un rachat par Bouygues plutôt que par ce qui deviendra, finalement, la maison-mère de SFR. Pourtant, Vivendi lance des négociations avec Patrick Drahi, car cette solution aurait préservé 5000 emplois et rapporté 450 millions d'euros supplémentaires, du moins le disait-on alors. Sur le rappatriement de ses biens, Patrick Drahi ironisait alors sur ses investissements en France, de “3 milliards d'euros” que tout cela injecterait dans l'économie française. Et c'est Patrick Drahi qui l'a emporté. Ne riez pas : trois ans plus tard, SFR organise un plan de départ volontaire touchant… 5000 salariés.

En parallèle en 2014, Numericable devient Altice, et multiplie les fusions, acquisitions, et investissements en France et à l'étranger. Le groupe accumule une dette colossale de 50 milliards d'euros. Fin 2017, les marchés s'inquiètent. L'action Altice dévisse en bourse. Chez SFR le nombre de plaintes des clients augmente d'année en année. Tout semble montrer que la stratégie de Patrick Drahi est dangereuse d'un point de vue financier, alors que la qualité de service (pas de réseau, attention) de l'un des meilleurs opérateurs français se dégrade inexorablement.

SFR n'a pourtant pas que des défauts

En termes de couverture et qualité du réseau, SFR fait pourtant partie du trio de tête et dispute souvent au coude à coude la première place à Orange. Le taux de couverture 2G (voix, SMS) est pratiquement le même que celui d'Orange (>99% en population, et 93% en surface*), le taux de couverture en 3G est du même niveau (>99% en population, et 95% en surface*), quant au taux de couverture 4G il est du même niveau que celui d'Orange et Bouygues*.

L'opérateur propose des formules attractives comme par exemple le forfait Power 10 Go** à 15 euros par mois avec Appels et SMS illimités et 10 Go d'enveloppe data (engagement de 12 mois, 25 euros par mois au-delà) pour profiter d'un réseau de qualité excellente. La synergie avec les offres internet fixe permet de faire de belles économies. Sur le fixe, justement, SFR peut proposer une éligibilité à des débits très élevés souvent où la fibre traditionnelle n'a pas été encore installée, notamment grâce à son réseau câble hérité de Numericable et déjà très étendu.

Alors partir, pourquoi pas, mais chez qui ? Free Mobile peut sembler sur le papier l'une des alternatives les plus alléchantes, mais c'est aussi un réseau en construction, et ça se voit souvent, en fonction des endroits surtout sur le confort d'utilisation de la data : c'est soit le beau fixe, soit un réseau en itinérance chez Orange fortement bridé. Orange, justement, peut représenter une meilleure alternative en qualité du service. Mais pour des forfaits proches, il faut payer plus cher.

Un forfait tel que le Starter 10 Go n'existe pas, par exemple, il faut soit opter pour forfait Mini 5 Go avec 2h d'appels et 3 numéros illimités à 11,99€ par mois pendant 12 mois puis 16,99€ au-delà. Ou alors un forfait plus gros, le Play 30 Go avec appels/SMS illimités à 24,99 € par mois pendant 12 mois puis 34,99 € par mois.

Restent, pour garder un réseau de qualité à se pencher sur les offres de Bouygues, Sosh, et plus largement des MNVO qui permettent de bénéficier du réseau d'Orange, SFR ou Bouygues sans rester dépendant du service client de l'un de ces opérateurs. Pour rester sur le forfait Starter 10 Go, Bouygues propose une alternative sans engagement très intéressante, le forfait B&YOU à 19,99€ par mois qui inclut 20 Go de data (dont 6 Go utilisable en Europe), et les appels / SMS illimités.

Pratiquement le même forfait existe chez Sosh : 19,99€ par mois avec 20 Go de data et appels/SMS illimités, le tout sans engagement. Des alternatives existent aussi chez les opérateurs virtuels, ou MNVO. NRJ Mobile (réseaux Orange et SFR) propose par exemple un forfait sans engagement 10 Go avec appels SMS/MMS illimités à seulement 15,99 € par mois. Attention, toutefois, car ces opérateurs virtuels font leurs marges en “maîtrisant” leurs coûts. Ce qui peut avoir des conséquences sur, par exemple, la qualité du service clients.

Les déboires de SFR, un accident industriel made in France

Maintenant, posons la question différemment : est-il objectivement souhaitable que les clients partent en masse chez la concurrence ? Est-il souhaitable que SFR “paye” pour les mauvaises décisions de son équipe dirigeante ? La réponse est compliquée. D'abord parce qu'il n'est jamais bon de voir un acteur économique majeur sombrer. Altice France n'est pas un petit employeur puisqu'il salarie directement 10 000 personnes, sans parler des sous traitants.

C'est 14,378 millions d'abonnés mobile, 5,943 millions d'abonnés fixe. C'est aussi 15 milliards de chiffre d'affaires en 2017 donc aussi une quantité conséquente de rentrées fiscales pour l'Etat. Or, avec les rachats opérés par Patrick Drahi, SFR n'est plus seulement un opérateur, c'est aussi des chaînes de TV (BFM Sport, RMC Sport, et les chaînes SFR Sport BFM TV), des chaînes de radio (BFM, RMC etc…) des titres presse nationale (L'Express, Libération…).

En cas d'échec stratégique durable, il n'est pas sûr que la somme soit réellement positive pour la collectivité. De nombreuses personnes pourraient perdre leur emploi, même si le groupe était démantelé et racheté par morceaux par des concurrents. Quand on connaît le contexte de chômage élevé et de croissance atone, on peut espérer mieux. Alors forcément, lorsque l'on est insatisfait de son opérateur, il est difficile de penser à tous ces aspects pourtant bien réels. On ne peut donc pas souhaiter le départ des clients de SFR-Altice.

Ce ne sont pas aux clients de partir mais à SFR de changer

En fin de compte, la seule chose que l'on puisse réellement souhaiter, c'est une sorte de nouveau “contrat social” avec les clients. Que l'opérateur ne se contente plus de reconnaître ses travers, qu'il donne à ses clients une feuille de route claire, prenne des engagements sur la transparence, sur une amélioration du service, bref, leur donner une raison de patienter. Après tout, on pardonne beaucoup de choses à son concurrent Free Mobile, tout simplement parce que c'est l'opérateur qui a mis un gros coup de pied dans la fourmilière, et qu'il y a cette promesse que le réseau s'améliorera sans cesse pour être à terme du niveau (voire supérieur) à celui de la concurrence.

Il faudrait également que SFR-Altice se “retienne” d'employer des méthodes d'un autre temps, comme la vente forcée, ou les frais de roaming où le coût du mégaoctet a de quoi donner des crises de convulsions. SFR aurait tout à gagner au contraire à jouer la carte de la liberté : les clients n'ont pas besoin d'être en cage pour rester. Ils le restent parce que le service leur convient, tout simplement. Même lorsqu'un client fait un détour par la concurrence, il finit toujours par se rappeler, un jour ou l'autre, au bon souvenir d'un service qui fonctionne de manière transparente.

Bien sûr, cela ne sont que des pistes de réflexion : nous vous invitons à partager, vous aussi, votre avis sur ce que l'opérateur devrait faire pour garder ses clients, dont vous faites peut-être encore partie !

*: chiffres ARCEP et ANFR 

**: ce n'est bien sûr qu'un exemple parmi d'autres


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