Steam fixe le prix des jeux sur les plateformes concurrentes, des joueurs portent plainte
Cinq joueurs ont porté plainte contre Valve pour dénoncer les conditions de Steam qui interdisent les développeurs de vendre leurs jeux moins chers sur d'autres plateformes. Selon eux, cette clause illustre un abus de sa position dominante par la firme et briderait l'innovation dans le jeu vidéo en empêchant des petits studios d'attirer une communauté.
Les ennuis judiciaires continuent pour Valve. Il y a quelques jours, sa plateforme Steam était au cœur d'une affaire de blocage géographique qui a coûté 7,8 millions d'euros à cinq éditeurs. Cette fois, le store est accusé d'abuser de sa position dominante pour dicter le prix des jeux sur les plateformes concurrentes, une pratique “non compétitive qui constitue un maintien du monopole”, selon la plainte déposée par cinq joueurs. Pour appuyer leur propos, ces derniers pointent du doigt la clause “Most Favoured Nation” (MFN, pour “nation la plus favorisée”).
En théorie, cette clause oblige le fournisseur, ici les développeurs, à traiter de manière équitable son client, ici Valve, à ses autres clients. Dans ce cas particulier, la MFN empêche les développeurs de vendre leurs jeux moins chers sur une autre plateforme que le prix vendu sur Steam. Selon le cabinet d'avocat qui porte l'affaire, cette pratique résulte en des prix élevés sur tous les stores PC, comme l'Epic Games Store et le Microsoft Store.
Valve abuse de la position dominante de Steam
D'après la section tarifaire des conditions d'utilisation de Steam, les développeurs et éditeurs sont responsables de prix de vente de leurs jeux. La plateforme se réserve par ailleurs le droit d'ajuster le prix indiqué. “Le prix initial ainsi que l'ajustement de prix proposé seront étudiés par Valve, généralement dans les deux jours ouvrés. Nous recommandons des stratégies tarifaires s'appuyant sur notre expérience. Nous pouvons suggérer des prix basés sur les taux de conversions entre monnaies et d'autres facteurs”.
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Les clauses MFN sont surveillées de près par les autorités de régulation mondiales, particulièrement la Commission Européenne, précisément pour le risque accru d'abus qu'elles peuvent engendrer. Pour les joueurs ayant porté plainte, le doute n'est pas permis. “Steam est la plateforme dominante de distribution et de vente pour les développeurs de jeux aux États-Unis”, écrivent-ils. “Mais la plateforme ne maintient pas sa dominance par des prix plus compétitifs que ses concurrents. À la place, Valve abuse de sa position en obligeant les développeurs à […] accepter de vendre leurs jeux au même prix que sur les autres plateformes”.
Un manque à gagner énorme pour l'industrie du jeu vidéo
La plainte aborde les répercussions de cette politique sur l'ensemble des développeurs de jeu, et tout particulièrement les petits studios qui peinent à se faire une place dans un “secteur hautement concentré”. Selon les joueurs à l'origine de l'initiative, “la clause MFN bride l'innovation en créant une barrière artificielle à l'entrée des autres plateformes”. En effet, les développeurs doivent faire le choix entre la force de frappe phénoménale de Steam d'un côté, et les marges plus importantes sur l'Epic Games Store, pour ne citer que lui. Ce dernier point est également évoqué par les plaignants, qui estiment que les consommateurs bénéficieraient de la suppression de la clause MFN.
“Si la MFN n'existait pas sur Steam et que les autres plateformes pouvaient se montrer compétitives sur les prix, celles-ci pourraient offrir des marges plus intéressantes aux développeurs, tout en proposant des prix inférieurs aux consommateurs”. Les joueurs à l'origine de la plainte se sont visiblement inspirés de la philosophie de Tim Sweeney, PDG d'Epic, qui s'est déjà opposé à Apple en dénonçant ses pratiques anticoncurrentielles. Dans un tweet de 2019, ce dernier a déclaré que “Steam a un pouvoir de veto sur les prix” expliquant que “Valve peut simplement dire non” aux développeurs souhaitant vendre leur jeu moins cher ailleurs.
Plus tard, Tim Sweeney a appelé au boycott de Steam, affirmant que “le seul moyen pour les créateurs de redistribuer les économies réalisées aux joueurs est d'éviter la plateforme dominante”. Une philosophie visiblement supportée par de nombreux éditeurs, qui ont apporté leur soutien à la plainte déposée. On y retrouve notamment CD Projekt (Cyberpunk 2077), Ubisoft (Assassin's Creed) et Devolver Digital (Hotline Miami). En revanche, aucune trace de développeurs indépendants moins importants, alors même qu'ils sont les plus touchés par les conséquences de la clause MFN.
Source : The Hollywood Reporter et Eurogamer