StopCovid : l’application verra-t-elle vraiment le jour ?

StopCovid, l'application qui doit aider à lutter contre le coronavirus, ne sera pas prête le 11 mai 2020, et le débat parlementaire qui devait l'entériner a été repoussé. De quoi se demander si l'application verra effectivement le jour. On fait le point. 

StopCovid
Crédits : Unsplash

Ces dernières semaines, l'application StopCovid était au coeur d'une actualité largement focalisée sur le coronavirus. StopCovid est présenté comme l'un des outils pour réussir le déconfinement après le 11 mai. Pourtant cette solution soulève des questions en termes de libertés, d'autant que pour être efficace, elle devrait être généralisée – avec pour objectif d'être installée sur au moins 60% des smartphones des français.

Qu'est-ce que l'application StopCovid ?

StopCovid est un projet d'application mobile proposé par le gouvernement français dans le contexte de la crise du coronavirus. Le projet est piloté par l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) avec le concours d'acteurs comme l'ANSSI, Capgemini, Dassault Systèmes, Inserm, Lunabee Studio, Orange, Santé Publique France, Whitings…

StopCovid est fondamentalement une application dite de contact tracingIl s'agit de repérer les malades et les personnes étant entrées en contact avec une personne contagieuse. De sorte qu'il devient possible d'informer ces personnes afin qu'elles puissent prendre des mesures adaptées, comme se mettre volontairement en quarantaine.

Pour cela, StopCovid s'appuie sur le Bluetooth. Dès que deux smartphones dotés de l'application s'approchent, le contact est détecté via Bluetooth et enregistré localement ou sur un serveur. Les données sont conservées 14 jours, comme la durée d'incubation du coronavirus.

Le pistage des contacts est-il efficace contre le coronavirus ?

Ce type de stratégie a été retenu par plusieurs pays, notamment la Corée du Sud et Singapour, qui ont été salués pour leur gestion de crise. Une application de traçage est également employée en Chine, ou depuis peu en Allemagne. Or, avec encore très peu de recul sur ce type d'approches, il est difficile d'affirmer que “c'est efficace”.

D'autant que pour que le système fonctionne, les experts estiment qu'il faudrait que 60% des français installent l'application sur leur smartphone.  Ce qui n'est pas gagné : tous les français n'ont en effet pas de smartphone et leur proportion est sous-représentée au-delà d'un certain âge.

Certains administrés vivent par ailleurs dans des zones blanches, tandis que d'autres ont fait simplement le choix de ne pas/plus avoir de smartphone. Enfin, il y a également des considérations techniques. Tous les smartphones Android ne pourront pas utiliser l'application du gouvernement.

En tout, 2 milliards de smartphones dans le monde sont de facto exclus du pistage des contacts. Par ailleurs, les iPhone sont très verrouillés – StopCovid n'y fonctionnera correctement que si Apple collabore avec les développeurs.

StopCovid : qu'est-ce qui coince ?

La première crainte, c'est la perspective d'une surveillance de masse, pouvant, accidentellement ou non, porter atteinte à la liberté des individus ou à des données personnelles en lien avec la santé.

Saisie, la CNIL a d'ailleurs estimé que cette approche pouvait entamer les libertés. La commission appelle à la plus grande vigilance, notamment pour éviter que le choix de l'utiliser ou non ne conduise à une discrimination, tant dans les transports que pour l'accès à la santé. Par ailleurs, la Cnil souligne que StopCovid ne peut qu'être intégrée dans une approche de lutte plus globale.

Si et seulement si cette approche est réellement efficace dans les faits. Autre voix discordante, la Quadrature du Net, association de défense des libertés sur internet qui estime que l'application “porte des risques conséquents pour notre société et nos libertés, pour des résultats probablement médiocres”.

Lire également : StopCovid – 155 experts très inquiets pour la liberté des Français dans une lettre ouverte

Pas d'application le 11 mai, mais après ?

A tout cela s'ajoute le fait que StopCovid est encore loin d'être prêt. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, a révélé samedi 2 mai au sortir du Conseil des ministres que StopCovid “ne sera pas prête pour le 11 mai”, date du début du déconfinement.

Pourtant le lendemain, dans une interview accordée au blog Médium, Olivier Véran a annoncé le début imminent de tests en conditions réelles“l’objectif, c’est de pouvoir opérer des tests en conditions du réel dans la semaine du 11 mai afin de terminer la phase de validation opérationnelle”.

Et d'ajouter : “le Parlement, comme s’y est engagé le Premier Ministre, devra alors être saisi afin de pouvoir se prononcer sur une version finalisée. La CNIL devra également pouvoir se prononcer de manière définitive. Nous devrions donc avoir l’occasion de reparler de tout cela très vite”.

Le débat au Parlement autour d'une telle application avait été repoussé aux calendes grecques par le Premier ministre. Il semble néanmoins que les dernières déclarations d'Olivier Véran suggèrent que l'application sera prochainement débattue par les députés.


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