Télécoms : les opérateurs champions du monde de la dette, Altice-SFR en tête
Les opérateurs télécoms sont les champions du monde de la dette. C'est le résultat de l'étude publié par Moody's. Altice-SFR est loin devant ses concurrents européens. Mais selon les experts, c'est tout à fait normal.
Le cabinet Moody's publie une étude portant sur 590 entreprise européennes de divers secteurs classées dans la catégorie “speculative grade” (risque élevé et coût de la dette plus important). Dans ce document, on apprend que les entreprises de l'industrie des télécoms sont les plus endettés au monde. En 2018, elles ont atteint les 183 milliards de dollars de dette à la fin mars (16% du total des entreprises contre 11% il y a un an).
Les télécoms ont ainsi dépassé l'énergie, jusqu'à maintenant industrie la plus endettée. En numéro 2 l'industrie automobile s'est hissée parmi les plus endettées avec une dette moyenne par entreprise de 4 milliards d'euros. Dans les télécoms, cette moyenne atteint les 6,8 milliards d'euros. Les autres entreprises de l'étude affichent elles 1,9 milliard de dette. Le fossé est énorme.
Parmi les acteurs les plus endettés, on trouve Altice Europe avec 31,8 milliards d'euros de dette nette au deuxième trimestre. Viennent ensuite Telecom Italia (25,1 milliards d'euros) et Veon, un opérateur néerlandais (8,6 milliards d'euros). Mais malgré ces chiffres hallucinants, les experts restent sereins. Selon eux, cette situation est tout à fait normale compte tenu de notre époque et des investissements que doivent subir les acteurs du marché.
4G, 5G, fibre optique, haut débit : les télécoms en perpétuelle mutation
Les opérateurs télécoms investissent massivement mais les revenus se matérialisent bien plus tard. La dette est inhérente à ce type d'activité.
C'est par ces mots qu'Alexandre Ménard, directeur associé senior au sein du cabinet McKinsey, explique la situation du marché des télécoms. Les acteurs doivent perpétuellement investir soit dans le réseau mobile soit dans le fixe. Des investissements lourds, longs et continus. Et surtout de plus en plus soutenus face à nos usages. Moody's relève que chaque année la dette représente 300 milliards d'euros avec 10% de la somme re-financée annuellement.
Alors que le déploiement de la 4G n'est pas optimal, les différents acteurs (industriels, opérateurs, collectivités etc.) doivent préparer la 5G et ses investissements monstrueux (nouveaux pylônes, nouvelles antennes relais, nouvelles fréquences etc.). Malgré tout, le secteur amortit plutôt bien le choc. Notamment les opérateurs.
Des opérateurs très endettés, mais ça va mieux
En Europe, nous constatons une baisse des niveaux d'endettement chez les opérateurs. – Carlos Winzer, vice-président Europe en charge des télécoms chez Moody's
La bonne nouvelle est que les opérateurs ont beau être champions de la dette, son niveau baisse. Chez Veon, elle a baissé de 321 millions d'euros en un trimestre. Chez Telecom Italia, on atteint même les 400 millions d'euros. Carlos Winzer souligne d'ailleurs que le marché européen est particulier puisque dans certains pays (comme la France), de nouveaux acteurs entrent en jeu. Il faut alors rééquilibrer le marché, ce qui peut prendre un certain temps. Bonne nouvelle : le marché européen se stabilise après quelques années de souffrance. D'ailleurs en France les opérateurs réfléchissent à un retour à trois acteurs afin de relancer la machine et alléger la dette. Et même si Altice-SFR est toujours dans le rouge, les autres acteurs retrouvent des couleurs. Bouygues Telecom a même fait une proposition de rachat à Altice. L'analyste conclut :
Les télécoms sont certes une industrie très endettée, mais qui a la capacité de générer du cash flow. Cela fait des années que ce secteur est endetté, et malgré cela, nous n'avons jamais vu un opérateur ou un équipementier faire défaut pour cette raison.