Trump signe un décret sanction contre Twitter après le fact checking d’un de ses tweets
Donald Trump vient de signer un nouveau décret présidentiel aux airs de sanction après que Twitter a osé fact checker l'un de ses tweets. Le décret remet en cause la section 230 de la loi Communication Decency Act de 1996 qui limite la responsabilité des réseaux sociaux par rapport aux contenus postés par les utilisateurs.
Cela ne surprendra personne si l'on dit que Donald Trump a un rapport très particulier à la vérité. On ne compte plus le nombre de contre-vérités, déformations, mensonges – parfois éhontés – et attaques douteuses (sur le physique, le sexe, voire même le handicap, entre autres exemples…) envers ses adversaires, et parfois simples interlocuteurs.
Face à ce déferlement de populisme gonflé à la testostérone rien ne semble en mesure de faire le poids. Comme si les démocraties modernes étaient faites de porcelaine, et que le locataire actuel de la Maison Blanche était un gros marteau – prêt à casser tout ce qui finit par malheur par l'effleurer.
Peut-on reprocher à Twitter de fact-checker de façon neutre les affirmations inexactes ?
Twitter a eu raison de fact-checker deux tweets du président américain – comme le réseau social le fait, d'ailleurs, depuis quelques temps avec tous les posts de politiques et autres influenceurs de tous bords. Dans un message il affirme que le vote par correspondance aux Etats-Unis – une possible alternative dans un contexte sanitaire exceptionnel – serait forcément “entaché de fraude”.
Le réseau social de Jack Dorsey a alors signalé son tweet tout en redirigeant vers une kyrielle d'articles de presse qui expliquent justement que ce mode de vote est rarement lié à la moindre fraude. L'autre signalement concerne un tweet dans lequel le président prétend que la Californie permettra à “n'importe qui vivant dans l'Etat, peu importe qui ils sont ou comment ils sont arrivé là” de voter par courrier.
Là encore, on comprend que le président souhaitait attaquer un Etat largement acquis aux Démocrates dans la dernière ligne droite de son (premier ?) mandat. Mais après fact-checking, l'affirmation du président apparaît effectivement erronée, puisque comme le montrent les articles vers lesquels Twitter redirige, seuls les résidents inscrits sur les listes d'émargement pourront solliciter ce type de vote. Qui sera donc beaucoup plus encadré que ne le suggère le président.
Twitter est devenu ces dernières années la tribune de choix de Donald Trump. Un canal de communication dont il maîtrise les codes, et qui a sans conteste favorisé son élection en 2017. Que Twitter se dote d'armes pour éviter que quelques uns de ses utilisateurs, aussi importants soient-ils, n'utilisent la formidable puissance du réseau social pour propager des informations erronées paraît normal de ce côté-ci de l'atlantique.
Donald Trump menace Twitter avec un décret aux airs de sanction
Mais aux Etats-Unis, et tout particulièrement à Washington, c'est une autre histoire – au demeurant pleine de paradoxes, comme notre époque. Lors d'une conférence de presse consécutive à l'apparition de l'avertissement sous deux de ses tweets, Donald Trump a sans surprise nié que ses tweets étaient incorrects. Quand bien même les faits sont têtus. Et a commencé à menacer les réseaux sociaux de mieux les réglementer.
Or ce jeudi, c'est désormais acté : Donald Trump vient de signer un décret présidentiel. Celui-ci remet en cause la section 230 de la loi Communication Decency Act de 1996 qui stipule que les entreprises américaines ne sont pas responsables du contenu posté par des tiers sur leur plateforme. En apparence anodin, ce changement est potentiellement dévastateur pour l'influence des réseaux sociaux américains dans le monde.
Un changement pourrait en effet les faire crouler sous les plaintes en justice pour chaque message pouvant impliquer leur responsabilité quelle que soit leur provenance dans le monde. Elle mettrait un terme à un état de grâce qui a permis l'ascension fulgurante de réseaux comme Twitter et Facebook. Car cette loi créé un espace d'expression libre accessible à tous, partout dans le monde. Difficile, donc, de ne pas y voir une forme de punition.
Twitter et Facebook affirment qu'ils ne sont pas des “arbitres de la vérité”
En réponse, Twitter et Facebook ont tout deux objecté qu'ils n'ont aucune intention de devenir des “arbitres de la vérité”. Facebook a notamment expliqué que toucher à l'article 230 “restreindra plus le discours en ligne, pas moins“. Le patron de Twitter Jack Dorsey avait quant à lui affirmé dans un tweet antérieur au décret que sa plateforme continuera à fact checker les affirmations des politiques – on imagine Trump compris, même si ce dernier n'est pas directement nommé.
Quant à Google, un porte-parole affirme de son côté que “saper l'article 230 de cette manière portera préjudice à l'économie américaine et à son leadership mondial en matière de liberté sur Internet”. Reste à comprendre quelle sera la portée effective de ce décret. Car c'est notamment à la FCC et la FTC, deux institutions indépendante du pouvoir de la Maison Blanche, que revient le droit de modifier ce texte, faute de pouvoir passer immédiatement par la Chambre.
Le décret risque également d'être contesté devant les tribunaux. Certains comme Kate Ruane, porte-parole de l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) estiment en effet que “Donald Trump n'est pas le président de Twitter”. L'ACLU ajoute que son dernier décret est “une menace flagrante et inconstitutionnelle de punir les entreprises de médias sociaux qui déplaisent au président“. De son côté, le principal intéressé se dit confiant quant à l'issue devant les tribunaux.
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Et le président de glisser que d'autres actions en dehors de ce décret sont également prévues…
Source : Cnet.com